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Skyblood - Skyblood (22 novembre 2019)

Publié le par Stéphane DELURE

 

« Ceci est qui je suis. Ceci est Skyblood. Skyblood équivaut à la fierté, l’empathie et la rage. » 
Sacrée carte de visite, qui claque et qui choque, un brin arrogante ! Mais qui est donc ce Skyblood ? Il s'agit tout d'abord de l'avatar présent sur le mystérieux artwork, signé Joakim Ericsson, évoquant un aventurier dont on ne sait s'il est humain ou non. Sa silhouette évolue sur une planète étrangère, aux deux lunes ornant le ciel, avec en fond des éléments formant une vague immense évoquant les peintures d'Okusai. On pense à Dune et son étrange prêcheur, tenant livre d'une main et un objet mystérieux de l'autre. Le livre est celui qui contient sa vie, son expérience. L'objet est peut-être un modulateur de voix (de l'aveu même de l'artiste, et inspiré du film Dune, et non du livre, dont il est absent), cette voix qui fait toute la force de ce disque et en représente l'essence.
Car l'homme derrière Skyblood est incontestablement une Voix, reconnue, sacralisée dans le monde du metal, celle du suédois Mats Leven. Depuis 30 ans, elle s'est faite glam, hard rock, power, doom, metal symphonique, heavy, rock blues... Difficile de maîtriser sa discographie complète tant celle-ci est fournie, en perpétuelle évolution, mais il est raisonnable de jauger à une quarantaine d'albums ses interventions en tant que chanteur principal ou guest fortement présent. Il faut rajouter à cela sa voix prêtée pour des groupes n'ayant jamais gravé sa performance sur un album studio (tournées pour Adagio, Transsiberian Orchestra, et osons même citer ici Candlemass, si l'on excepte un tout petit EP...). Côté hauts faits, il reste l'un des rares vocalistes à avoir su voler la vedette au mégalo Malmsteen (le formidable Facing the Animal), et l'on peut dire qu'il a rivalisé avec des virtuoses de la guitare (At Vance, Gus G), des férus du riff oppressant (Krux, Candlemass, encore, qui l'a récemment lâché alors qu'il avait enregistré ses voix pour le nouvel album, pas classe...) ou des maestros donnant à leurs compositions des ambiances plus progressives (Amaseffer) ou symphoniques (Therion). Autant de groupes qui ont utilisé la voix de Mats pour la plier à leurs besoins, tout en lui laissant de l'espace pour s'exprimer (son talent ne peut se mettre en cage, et il se révèle sur scène encore mieux qu'ailleurs : il fallait l'entendre remodeler des titres de Therion qui n'avaient pas été prévus pour sa tessiture, comme si de rien n'était). Juste retour des choses pour l'artiste de désormais proposer sa propre vision des choses, car cela peut paraître improbable, mais c'est seulement en 2019 que l'artiste aura sorti son premier album solo, composé de A à Z, Mats y ayant également composé de tous les instruments, laissant en studio le soin à quelques amis de luxe la capacité de mettre à l'oeuvre leur propre feeling et savoir-faire (Snowy Shaw, au touché de batterie si sensible, Kristian Niemann, et sa maîtrise de la guitare solo, Marcus Jidell, Fredrik Akesson, Martin Axenrot...). 
Skyblood est ainsi un acte de foi, le fruit d'une passion longtemps pensée, refrénée, repoussée à ce bon moment où Mats aurait enfin le temps, lui qui a toujours été un excellent compositeur, apportant aux groupes l'ayant accueilli. C'est également le résultat de riches influences qui donnent de multiples textures à cet opus, tantôt rock, théâtral, progressif ou simplement metal. Tout débute avec un étonnant instrumental faisant penser à une bande originale de film, en mode western intergalactique (mélanges d'accents pompeux et modernes et ritournelle propre aux westerns spaghetti), et l'album culminera avec le superbe et progressif Le Venimeux (jeu de mot sur le nom du chanteur, Leven), échange émouvant entre la voix de Mats et des instruments pour la plupart acoustiques, dont un superbe et émouvant piano. Sur le titre bien nommé The Voice, Mats laisse les guitares en retrait, faisant monter sa voix, la modulant peu à peu, squelette de plus en plus consistant prenant chair par la rythmique basse/batterie. Tube irrésistible, The Not Forgotten, pensé il y a 20 ans, fait encore le choix de laisser à la voix le soin de mener la danse, refusant un mur de guitares au profit de quelques riffs discrets mais bien sentis, et singeant en plein milieu la voix rauque de son comparse Snowy (non, ce n'est pas Snowy qui chante, j'ai vérifié auprès de Mats himself tant je n'y croyais pas !). Alors les guitares seraient elles délaissées ? Grossière erreur, car lorsqu'un solo éclate, il n'en brille que plus encore, comme sur le flamboyant Wake Up The Truth, éclatant de panache. 
De l'ombre, il y en a sur Skyblood, car la vie a ses côtés sombres, et celle contenue dans le livre du héros est riche en éclats comme en échecs. Once Invisible, à l'ambiance doom, est un morceau fascinant, tranchant avec ce qui précède, montant crescendo, comme une poupée désarticulée avançant coûte que coûte. Quel usage de la batterie encore sur ce titre, mesurée, menaçante, alliant son propos à des riffs bien pensés. Menace encore avec One Eye For An Eye, titre à la teneur biblique, loi du Talion qui ne peut laisser indifférent et sur lequel Mats fait encore des ravages, avant de nous emmener en une valse inquiétante sur Out Of The Hollow, où chaque instrument est pensé, par petites touches, toujours pour mieux servir The Voice. Un peu de légèreté et d'espoir avec For Or Against, dont la rythmique nage entre des riffs lancinants et quelques touches de piano, guidant la voix toujours plus haut, quelque part vers les derniers éclats d'un soleil qui ne veut pas mourir.
Alors oui, je sais, je fais du track by track, ce qui est certes un procédé facile, mais auquel il est difficile de résister tant cet album est réussi de bout en bout, et dont chaque pierre a son importance, formant un édifice cohérent alors que différentes couleurs et styles sont clairement utilisés. Mats a pris son temps pour réaliser cet opus, culminant comme je le disais en début de chronique sur l'épatant titre de metal progressif qu'est Le Venimeux, jeu de voix, d'ambiances et d'acoustique, avec juste quelques touches de saturation. Sublime, tel est l'unique mot que j'utiliserai pour décrire ce titre dont je ne me lasse pas, comme d'ailleurs du reste de l'album.
La chronique a mis du temps à venir. Comme Mats, j'ai passé beaucoup de temps à profiter - en l'occurrence de l'album, égoïstement -, à chercher, décortiquer, avant de comprendre que le plaisir simple de l'écoute suffisait tout simplement, un plaisir que je n'éprouve pas si souvent du premier au dernier titre d'un album. D'où la note presque maximale ("presque" car j'attends encore plus !). Et comme Mats nous a promis que deux autres albums viendraient bientôt enrichir sous peu la discographie de ce nouveau groupe, tous les espoirs sont permis ! Mais avant, nous aurons droit au nouvel album tant attendu d'Opera Diabolicus, chanté encore une fois avec son comparse Snowy Shaw ! 

Ayant déjà posté des articles sur les singles The Voice et The Not Forgotten, voici le clip de Out Of The Hollow, avec ce solo minimal mais essentiel.

 

Note : 09/10 !

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