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Death Came Through A Phantom Ship - Carach Angren (2010)

Publié le par Mordhogor

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Voilà, je clame haut et fort l'heureux évènement : la grandiloquente famille du black-metal symphonique compte désormais un membre de plus, auquel il n'aura fallu que deux albums pour entrer avec fracas dans la convoitée cour des grands, apportant avec eux une personnalité et un style hors du commun. Ce type de musique, c'est avant tout un style, une ambiance, un univers. Après les vampires et autres créatures de la nuit ayant pris les formes de Cradle of Filth et Dimmu Borgir, les guerriers bardés de cuir et d'acier de Bal-Sagoth et les décadents d'Anorexia Nervosa (quand est-ce que vous vous reformez les gars ?), voici donc venu le temps maudit des fantômes hantés de Carach Angren.

Toute jeune formation hollandaise née en 2003 des efforts conjugués du maléfique trio que composent Seregor (chant, guitare, basse), Ardek (claviers) et Namtar (batterie) - ils nous réservent même leur véritables noms à l'intérieur du livret, pour ceux qui s'imaginent que l'on peut s'appeler comme ça dans la vie de tous les jours ! - le groupe s'est fait une spécialité des hantises et autres esprits maudits, prisonniers entre le monde des morts et celui des vivants. Ce style a largement été exploré sous sa forme musicale par l'expert en la matière, King Diamond himself, roi incontesté du metal horrifique. Ce dernier, au travers de ses concepts albums, a exploré les territoires de la Louisiane avec ses bayous hantés par les ombres du Baron Samedi, erré dans les brumes délétères de sinistres cimetières et fait craquer les marches de lugubres maisons.

Le style est exigeant car il nécessite une harmonie parfaite et délicate entre mélodies et bruitages, indispensables outils permettant seuls de créer ce sentiment d'angoisse qui peut très vite se transformer en ridicule. La difficulté est encore plus grande lorsque le fond musical trempe dans l'extrème, car là où le metal dit "traditionnel" peut se permettre de jouer sur les ambiances avec des passages plus lents et des mid-tempos, le metal-extrème est quasiment muselé par une charte exigeant violence et vélocité, adjectifs menant souvent nombre de groupes à confondre vitesse et précipitation.

Avec Carach Angren, nulle faute de goût à déplorer. Nous sommes dans le bon wagon, celui qui va nous entraîner très loin dans un maëlstrom d'émotions délicieusement épouvantables. Regardez le look de ces fiers capitaines de vaisseaux, mélange de black traditionnel et d'aventuriers à la Corto Maltese. Le maquillage est de plus très réussi et beaucoup plus effrayant que celui des marins maudits des deux derniers Pirates des Caraïbes (vous allez bientôt comprendre pourquoi j'en parle...). L'artwork et le livret accompagnant le digipack sont vraiment très soignés .

Reste bien évidemment le contenu. De quoi parlent-ils d'abord, ces battaves ? Les hollandais violents, après nous avoir narré les affres d'une Dame Blanche hantant le Norfolk, ont décidé de s'attaquer au mythe du capitaine Van Der Decken, autrement dit à la légende du Vaisseau Fantôme, popularisé par l'opéra de Richard Wagner et tout un pan de la littérature fantastique, également immortalisé sur grand écran par des oeuvres aussi diamétralement opposées que le magnifique Pandora d'Albert Lewin et les blockbusters boostés aux hormones de croissance de Gore Verbinski et du reste de l'écurie Bruckeimer, Pirates des Caraïbes 2 et 3 pour ne pas les nommer.

Il y a chez ces battaves un torrent d'inspiration, leur permettant de marier des choeurs fantomatiques à d'impressionnants murs de son (Departure towards a nautical curse), des violons magistraux avec des guitares en furie (The sighting is a portent of doom) et d'intéressantes prises de risque (écoutez le tout sauf risible Al betekent het mijn dood, mélange inspiré d'opéra et de vocalises gutturales à vous faire dresser le poil sur la peau !). La musique s'appuie sur des textes à l'écriture fouillée, chargée du relent de ces mots qui ont fait les grands textes d'auteurs tels que William H. Hodgson et Frederick Marryat. Le tout est monté d'une façon remarquablement intelligente qui se voudrait normalement le fruit d'une expérience plus grande ou tout simplement celui du génie que l'on rencontre parfois au travers de certaines premières oeuvres. Et tout ce que l'on peut souhaiter à ces hollandais est de continuer sur leur lancée et de nous fournir une telle cargaison, tellement plus précieuse que l'opium et l'ivoire hantant encore les cales de ces navires perdus au fond de l'océan.

 

Ecoutez le tout en sirotant une bonne bouteille de rhum ambré et l'aventure vous paraîtra du coup beaucoup moins angoissante !

 

Stéphane DELURE

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