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The Wolves Go Hunt Their Prey - The Vision Bleak (2007)

Publié le par Mordhogor

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Les jours de novembre s'étirent inexorablement, les ors de l'automne brunissent et se meurent pour laisser sur les arbres dénudés la voie libre au givre de l'hiver et les loups au pelage gris hurlent aux portes de nos villes.

Ne prenez pas peur, non, ne tremblez pas, je commence juste l'intro de ma chronique traitant du troisième opus des aventures de The Vision Bleak, The Wolves Go Hunt Their Prey ! Vous savez bien, il s'agit de ce groupe créé en 2002 et formé par le duo (oui, car à eux deux, ils font tout, sauf en concert je vous rassure !) composé de Ulf Theodor Schwadorf (guitares, basse, sitar, claviers et cendres d'Empyrium) et de Allen B. Konstanz (chant, batterie, claviers également, et cendres de Nox Mortis), groupe dont j'ai déjà chroniqué le premier album en ces pages : The Deathship has a New Captain - The Vision Bleak (2004) .

The Vision Bleak, c'est avant tout l'aventure de créateurs d'atmosphères. Avec le duo s'inscrivant dans un créneau que l'on pourrait qualifier d'horror-gothic-metal, on plonge avec délice dans les histoires signées en noir sur du papier jauni, celles que savaient narrer Bram Stocker ou Howard Phillips Lovecraft. On y retrouve aussi le scope d'un certain cinéma, celui de John Carpenter, dont la terreur embrumée de The Fog a été adaptée sur le premier opus du combo, dans le morceau Elizabeth Dane. Nulle exubérance dans la musique proposée, chaque note y trouve sa place et contribue à l'atmosphère voulue par le duo éperdument amoureux de ces histoires d'épouvante relevant d'une autre époque, d'un autre temps. Ere gothique et époque victorienne sont des mots qui frappent l'imaginaire de ces deux allemands férus de climats mystérieux et aimant transporter l'auditeur dans un monde qui leur est propre, même si en fin de compte ce monde relève d'une culture que les amoureux du groupe connaissent déjà par coeur. Inventeurs ? Certes pas. Mais explorateurs de génie de ce monde mystérieux situé derrière le verre jauni d'une fenêtre à pignon, oui !

Tout est soigné chez The Vision Bleak, de la musique aux textes en passant par les photos de studio et l'artwok des pochettes. Et justement, avec The Wolves Go Hunt Their Prey, le groupe nous livre selon moi sa plus belle pochette, image paraissant sortir tout droit d'un livre ancien relié de cuir bruni et aux pages devenues sépia. L'ouvrage a été ouvert et l'on est tombé sur l'une de ces illustrations de conte pour enfant, à la fois naïve et terrifiante.

La musique de The Vision Bleak n'a pas de réel guide, sauf celui, comme je le disais plus haut, de l'émotion recherchée.

Elle se voudra metal-gothique sur des thèmes plus romantiques, tels les deux premiers titres, parlant de la lycanthropie. L'instrumental Amala et Kamala, nappé de riffs lents et graves, de claviers presque funèbres, se veut un hommage à l'histoire de ces deux fillettes indiennes retrouvées en 1920 dans une province du Bengale et qui auraient été selon la légende nourries et élevées par des loups. Cette histoire, qui se révéla par la suite être un sinistre mensonge (les fillettes, décédées en 1921 et 1928, avaient en fait été battues et n'avaient jamais vu le moindre loup), a donné naissance au mythe de l'enfant sauvage. Par respect pour la légende, c'est avec une belle et triste émotion que l'album est lancé.

Puis arrive la malédiction de She-Wolf, illustrant toujours le thème de la lycanthropie (déjà brillament abordé sur le morceau Wolfmoon, tiré de leur premier album). Mélange de riffs mordants et d'un refrain fortement mélodique, mettant en avant la douleur du maléfice, le morceau est une belle réussite à l'aura séductrice. "She is the wolf, the wolf is she" pose la question que soulève l'influence de la lune : de la femme ou de la louve, qui a le droit d'exister ? Et qui est le monstre si monstre il y a ?

Arrive ensuite une nouveauté, avec The Demon of the Mire et ses rythmiques martiales faisant fortement penser à Rammstein, confrère allemand plus costaud frappant avec toute la puissance de son tanz metal. Un riff tout d'abord rapide et entêtant monte en puissance, renforcé par la frappe de Konstanz, puis le riff ralentit pour se faire de plus en plus menaçant, énervé par des chuchotements, et montant jusqu'à exploser lors d'un cri poussé par la voix grave du chanteur. La rythmique se lance ensuite pour ne plus nous lâcher, s'offrant juste un léger break avec des claviers orchestraux. Un tube incontestable, à la puissance toute contenue.

Nous entrons ensuite dans l'autre thématique principale de l'album, puisqu'après celle des loup-garous, nous découvrons l'Egypte ancienne, celle pensée par Lovecraft à travers son Pharaon Noir, Nephren-Ka, avatar du sinistre Nyarlathotep, seul Grand Ancien a avoir pris forme humaine, afin de mieux nous duper et ouvrir la voie à ses sinistres aînés.

L'ambiance orientale est de rigueur, avec une superbe introduction instrumentale toute en choeurs pharaoniques, percussions et accords de sitar. Après cet interlude qui nous a transporté sans fausse note à l'ombre des pyramides, nous entrons dans le vif de la trilogie avec The Shining Trapezohedron (artefact important dans la mythologie lovecraftienne), entraînant morceau sur lequel la guitare ne se contente plus de riffer mais également de lancer de sobres et impeccables soli, le tout dans une ambiance forcément orientale. Mon seul problème avec ce morceau est qu'il est somme toute très classique pour le groupe et me fait trop penser à un morceau comme Horror of Antartica, sorti sur le premier album. Bon, ne boudons pas notre plaisr, il y a ce petit break de sitar (ne pas confondre avec la cythare !) ponctué d'un hurlement tribal (ils ont dû retrouver les enregistrements d'une cérémonie datant de la période thinite). On termine le triptyque égyptien avec le fort intéressant The Vault of Nephren Ka, nous entraînant dans le monde souterrain du Pharaon Noir et de ses rites impies ! A la richesse de la composition de rajoutent de jolis choeurs féminins et fantômatiques. Il y a aussi un riff lancinant de guitare, revenant sans cesse, avant que la basse n'impose un break pour faire baisser la pression, avant que la tension ne revienne sur fond de chants féminins, avec la montée en puissance des percussions. Le tout se clôt en apothéose sur un chant typé black metal, en accord avec les fins souvent tragiques et désespérées des histoires de l'écrivain de Providence.

The Eldricht Beguilement arrive, tout en riffs plombés et marqué du chant gothique et grave si caractéristique de Konstanz. Rien de bien neuf sous le soleil voilé de brume, si ce n'est un beau solo final de Schwadorf.

Les deux derniers morceaux de l'album sont bien plus intéressants et renouent avec un côté inquiétant qui avait un peu été laissé de côté durant le reste de l'album, même si l'approche de The Vision Bleak est toujours volontairement restée théatrale et second degré, proche en cela du cinéma de genre auquel il fait souvent référence. Rappelez vous de Night of The Living Dead, présent sur le premier opus du groupe, qui proposait volontairement une approche série B propre à mêler rires et frissons, plutôt que faire du titre un hymne véritablement terrifiant et repoussant. The Vision Bleak préfère séduire, comme toute histoire d'épouvante réussie.

Evil is of Old Date débute sur des accords inquiétants de sitar (à moins que je ne me trompe, car ma connaissance en instruments orientaux est vraiment limitée !), et ce même si le morceau n'a absolument rien d'oriental. La formidable économie des percussions - le grand mérite de Konstanz est de ne jamais en faire trop - va créer un climax oppressant qui va exploser sur un riff simple mais fort efficace. Le titre suivra globalement les mêmes accords sur toute sa durée, en sobre incantation du Mal qu'il célèbre, ce Mal tapi dans l'ombre depuis que le monde est monde, puis le morceau s'enrichira de rajouts successifs qui amplifieront l'impact du titre : quelques choeurs par ci (ils ont dû les faire à deux et multiplier les couches...), un riff plus marqué par là, sans oublier la présence plus sombre de la basse. Simple mais diablement efficace, et vous aurez bien des difficultés à vous ôter le refrain de votre tête !

By our Brotherhood with Seth termine l'album en sobriété, sur un rythme tout aussi hypnotique et incantatoire (on ne parle pas de Seth sans respecter certains usages !), le tout ponctué d'un break de guitare avec court solo et riff plus marqué, avec au chant quelques fulgurances black très légères, la voix gothique et grave de Konstanz se suffisant à rendre l'hymne inquiétant.

La musique de The Vision Bleak reste encore une fois bien séduisante, même si l'effet de surprise qui illuminait les deux premiers albums a indéniablement disparu, enlevant de l'impact à l'opus (remarque invalide si vous commencez la découverte du groupe par cet album). Il reste cependant tout à fait recommandable, notamment grâce à des morceaux tels que The Demon of the Mire, The Vault of Nephren-Ka ou encore Evil is of Old Date, qui ressortent du lot grâce à de petites innovations (la rythmique martiale à la Rammstein par exemple, sacrément efficace) ou d'habiles arrangements totalement maîtrisés.

 

Tout cela me donne envie de réécouter l'album suivant, Set Sail to Mystery, et d'attendre patiemment le prochain album qui saura me donner à nouveau envie de me vêtir tel un intellectuel ou bourgeois de la fin du XIXème siècle, époque dont je raffole.

 

Bonne écoute, puisque je vous laisse avec The Demon of the Mire et son sabbat porté par la voix ténébreuse de Konstanz et les riffs sinistres de Schwadorf ! Et c'est promis, je reviendrai bientôt pour célébrer la mélancolie d'Empyrium, qui était à la nature ce que The Vision Bleak est à l'horreur et l'épouvante.

 

Stéphane DELURE

 

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C
<br /> j'ai bien accroché sur cet article , pour les enfants sauvages,l' égypte et la tournure des phrases................<br />
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