Ghost est un groupe à part, que je vénère, comme on vénère quelque chose de religieux. Et ça tombe bien car dès leur premier album, astucieux dans sa musique piochant dans les classiques des années 70 (Alice Cooper, Blue Oyster Cult,...) et dans le buzz qu'il créa autour de ses shows grand guignolesques, on entra dans une messe noire digne des films de la Hammer, avec un clergé formé de goules masquées, anonymes, et d'un pape aux allures d'antéchrist. Dans un style éthéré, avec déjà une grande maîtrise de la pop (et ce n'est pas péjoratif, n'en déplaise aux grincheux accros aux clous, au cuir et aux vieilles vestes à patch), le groupe imposa un album aujourd'hui culte, que beaucoup auraient nommé blue album, mais dont le titre Opus Eponymous, bien plus mystérieux, se révéla plus judicieux. Le second album enfonça le clou avec ses habits jaunes, glauques, invoquant tout le vocabulaire satanique afin de faire monter la sauce, empruntant un chemin plus personnel qui en rebuta certains (dont moi d'ailleurs), mais entretînt la flamme. La messe faussement satanique avait peut-être atteint ses limites. Puis vint le troisième et si délicat 3ème album, et là tout s'aMELIORA. La pop fusionnait de façon magique avec des thèmes inspirés empruntés à divers univers, montrant une sacrée maîtrise des hits obscurs du passé et de leur savoir-faire, un peu comme si Tarantino s'était mis à faire du hard-rock. Difficile de résister à Spirit, Cirice, He Is, From The Pinacle... Un cap était passé, qui fit entrer le groupe au sommet des charts et toucha un public bien plus vaste. Et cela n'allait pas s'arrêter aPREQUELLE sortit l'album de la consécration, Ghost étant sous ses oripeaux une séduisante goule nourrie de charogne et de refrains mémorables. Puis vint la pandémie, pas celle qu'aurait pu inventer Tobias Forge (qui ne peut désormais se cacher), mais ce virus qui bloqua les tournées et incita de nombreux groupes à se terrer dans le silence en attendant que ça passe ou se concentrer sur la musique, la création. On aurait ainsi pu espérer du modestement nommé IMPERA une débauche d'invention et d'expériences, mais ce n'est malheureusement pas le cas, l'album accusant parfois un certain manque d'inspiration, notamment dans les refrains, le point fort du groupe. Il y a bien sûr des titres excellents et fédérateurs, comme Spillways, Kaisarion avec ses surprenantes envolées prog, le grandiloquent Twenties (qui mit pourtant du temps à faire son chemin dans mon esprit, le refrain là encore m'agaçant là où les instruments m'enchantaient), le surprenant Call Me Little Sunshine et ses allures de rock sudiste sombre, mais pour le reste il y a hélas de la redite (Hunter's Moon, sympa mais déjà entendu), voire du passable avec ce Watcher In The Sky n'ayant pas grand chose à dire et qui tourne indéfiniment en rond, sans jamais trouver le break qui pourrait faire la différence. Il y a aussi l'ombre du passé : Darkness at the Heart of My Love qui n'a décidément pas la classe d'He Is ou de Life Eternal, superbe titre sur lequel la voix de Tobias se brisait, comme écorchée, et nous touchait en plein cœur. Le jeu des nouvelles goules est cependant irréprochable, avec des riffs bien appuyés et des soli vraiment inspirés sur les titres les plus forts comme sur les plus oubliables (Griftwood n'a rien d'exceptionnel, mais le jeu des Goules y est brillant, et l'on reprend même un peu de plaisir - hélas trop tard - lorsque le titre s'élève timidement sur la fin, rompant la lassitude de ce refrain trop longtemps répété d'égale façon). La production (trop light et lisse à mon goût) met en avant chaque instrument, mais élude un peu trop le côté dark que devrait conserver Ghost à mon goût. Tout se termine avec une note d'espoir, et ce Respite on the Spitalfields soufflant le froid et le chaud, à la fois éthéré et menaçant, ce que doit être ce Ghost que les fans ont adoré. Tout est parfait dans ce titre, à la fois le refrain, les nuances du chant de Tobias et la classe des instruments. Un petit pas en arrière que cet IMPERA, peu aidé par les singles de grande classe qui avaient suivi Prequelle (Seven Inches of Satanic Panic). A se demander si Tobias ne s'est pas trop concentré sur le décorum des concerts à venir et le nouveau look des Goules, aux allures post-apo que l'on ne retrouve finalement pas dans la musique. Reste cependant un album fort agréable et laissant tout de même de grands moments de bonheur, même si l'on s'était pris à espérer mieux.

Attention, il s'agit, vous l'aurez compris, d'une chronique à part, venant d'un fan des débuts qui n'est sans doute pas le plus objectif qui soit...

Note : 7/10

hard rock

Ghost - Impera (11 mars 2022)