C'est en chroniquant hier le premier album de Skinher, hommage aux musiques metal qui hantaient les bandes-son des films d'horreur des années 80, que je me suis souvenu d'une chronique restée bêtement en chantier, celle du neuvième album de Wednesday 13, Horrifier. Car en matière d'horror metal, de musique consacrée à l'épouvante, la créature américaine se pose là comme une véritable institution. Peu connue en nos contrées, car volontairement et longtemps cantonnée dans le circuit indépendant, le groupe est la chose de Joseph Poole, génial touche-à-tout plus connu pour être le chanteur de Murderdolls. Pour les amateurs plus pointus, c'est aussi l'homme derrière Maniac Spider Trash, Frankenstein Drag Queen From Planet 13, Bourbon Crow (un groupe d'outlaw country parlant de sexe, d'alcool et de mort, sur un ton résolument satirique !) et Gunfire 76. On sent que le mec à un univers bien à lui posé sur de solides bases.

30 ans de carrière quand même ! 30 ans à digérer les innombrables films d'horreur qu'il a visionné durant sa jeunesse et bien après. Côté musique et attitude, c'est un peu l'enfant illégitime d'Alice Cooper, Blackie Lawless et Rob Zombie, habillant son univers dans ce qu'il appelle de l'horror punk.

Avec son nouvel opus, le cow-boy maquillé a durci le ton, s'éloignant du côté purement fun d'un Calling All Corpses (2011). Il faut dire que l'enregistrement s'est fait façon Covid, chacun de son côté, et qu'il aura fallu gérer la disparition de Joey Jordison, son ami de longue date (ex-batteur de Slipknot, Murderdolls).

Horrifier oscille ainsi entre le très sombre et le plus léger. Et ça commence de façon lourde et pesante avec les bruitages indus de l'intro et le peu sympathique Insides Out, au riff lourd rappelant la douceur d'une énorme scie rouillée, sans oublier l'espèce de fraise de dentiste qui vient chatouiller les méandres du cervelet lors d'une trépanation. Côté lourdeur, Hell Is Coming ressuscitera le Rob Zombie plus dépouillé d'Educated Horses, avec son côté blues redneck déjanté, marqué par la voix de Wednesday 13 (rebaptisé ainsi à cause du personnage de la Famille Adams et de l'adresse des délirants habitants de la série Les Monstres). L'hommage au film de Carpenter, Christine : Fury In The Night, est également radical, véritable bolide qui vise la destruction et ne craint pas la tôle froissée, secoué par un clavier qui sait habilement nous plonger dans la voiture possédée. Halfway To The Grave surprend par sa voix plus glam (le côté Gunfire 76 ?), et se révèle excellente, dotée d'un harmonica qui rajoute à l'ambiance unique du morceau. Et là où le chanteur se montre le plus touchant, le plus écorché, c'est sur l'ultime morceau, The Other Side, titre dédié à l'ami perdu, Joey Jordison, ballade dévastatrice qui nous touche par sa sincérité et sa douceur mêlée de violence. Superbe conclusion.

Mais entre tout ça , il y a tout de même du fun, et ce que l'on aime chez Wednesday 13, et tout particulièrement moi : des hymnes instantanés que n'aurait pas renié Alice Cooper lui-même. Exhume And Devour reprend un peu les choses là où le père du shock-rock les avait laissées avec Brutal Planet, à savoir un hard-rock teinté d'indus, lourd et violent, hanté de paroles immanquables à reprendre en chœur "Open up the cemetary gates and let's exhume..." la suite des paroles est un bel hommage à la nécrophilie ! You're So Hideous est dans une veine encore plus tubesque, la voix de Joseph Poole rappelant ici vraiment celle de son idole Alice Cooper, tant dans l'épaisseur que dans le phrasé, l'efficacité de l'écriture, du passage des couplets au refrain forçant la ressemblance, sans oublier l'usage d'une guitare qui riffe à tout va avant de partir en un (trop) court solo. Good Day To Be A Bad Guy en rajoute une couche, sorte de résonnance d'un No More Mr Nice Guy façon Wednesday 13. Alice aurait sorti ce titre sur un album que cela n'aurait surpris personne. La musique est encore une fois lourde, appuyée, mais dépouillée de cet artifice moderne, elle aurait très bien pu débouler dans les années 70 sans paraître anachronique. La seule chose qui manque à ces titres "à la Cooper", c'est ce petit break, cette petite idée de génie qui brise la linéarité du morceau car même si les titres sont courts, gage de l'efficacité recherchée, ils sont sacrément simples.

Heureusement, Wednesday 13 sait livrer un travail plus personnel, comme sur l'autre adaptation d'une œuvre de Carpenter, Return To Haddonfield, probablement mon morceau préféré de l'album, enfin relevé d'un solo de guitare qui tient la route et dure plus que quelques notes, nous plongeant de nuit dans la maudite ville de Michael Myers pour mieux nous y perdre.

Horrifier n'est pas l'album le plus abouti de la prolifique carrière de son géniteur, qui a souvent su nous surprendre en jouant moins la carte de la facilité, mais l'album n'en reste pas moins un véritable plaisir d'écoute, celui d'un artiste attachant qui possède son propre univers et a choisi cette fois-ci de frapper droit au but, sans fioritures. A recommander aux adorateurs de l'horreur, des artistes cités et à tous ceux ne connaissant pas encore Wednesday 13.

Note : 07/10

Facebook Site Officiel

horror-punk

Wednesday 13 - Horrifier (07 octobre 2022)