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The Principle of Evil Made Flesh - Cradle of Filth (1994)

Publié le par Mordhogor

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Par une froide et pluvieuse nuit d'automne 1993, alors que depuis deux ans déjà des doigts cadavériques et crochus avaient commencé à gratter le bois de leur cerceuil, la pierre fendue des tombes était poussée vers le haut par de blafardes créatures, et dans la nuit éclairée par une lune gibbeuse, devant le granit des croix crevant la terre d'un cimetière du Suffolk, six vampires animés de noires intentions décidèrent d'immortaliser les sinistres antiennes d'enfants des ténèbres qu'ils étaient en enregistrant un premier album, The Principle of Evil Made Flesh. Après tout, un faux vampire du nom de Lestat, création d'Anne Rice, avait bien monté son propre groupe de rock ! Mais les propos et le style de Cradle of Filth, qui se nomma un temps Burial avant d'adopter le nom qu'on lui connait aujourd'hui, ressemblaient plus à la terrible vérité des enfants de la nuit, celle qui se nourrit de sexe et de mort, se berçant des préceptes d'Eros et Thanatos, étroitement mêlés en une danse aussi macabre que gothique.

Il n'y a qu'à voir la pochette, provocante et sans équivoque, celle qui vous a justement empêché un long instant, avouez-le, de commencer à lire ma prose, montrant deux femmes dénudées, l'une ornée du voile de la mariée, symbole de pureté, son front virginal orné d'une couronne de lys, offerte à la morsure passionnée d'une saphique prédatrice, leurs deux corps enlacés trempés d'arabesques de sang.

Après l'artwork, il y a bien sûr la musique, et lorsque celle-ci démarre, on sent monter du tréfonds des Enfers un cri primal et hanté par de noires mélodies. Une intro tout d'abord - Darkness Our Bride (Jugular Wedding), parfaite illustration de l'artwork -, en forme de mélopée de boîte à musique, renforcée par de sombres orchestrations, plutôt séduisante. Puis arrive le titre éponyme, rédigé puis hurlé en anglais et allemand, la voix de Dani Filth, âme damnée incontestée (et pourtant si souvent... contestée !) du groupe, crachant un titre blasphématoire au possible, dans la plus pure tradition du black metal. Au niveau musical cependant, on décèle très vite quelques éléments se détachant du lot, comme ces guitares influencées par le heavy-metal, proposant des soli quasi-inexistants dans le monde souterrain du black pur et dur. On sent ici l'influence des maîtres à penser du leader du groupe, comme Venom, Bathory et Mercyful Fate (l'alternance des styles vocaux employés pour ce dernier, façon artiste possédé, particulièrement audible sur The Black Goddess Rises). Les deux solistes sont ici Paul Allender et Paul Ryan - les deux allaient quitter le navire après ce premier effort, le premier faisant cependant son retour avec l'EP From the Cradle to Enslave (1999) pour ne plus le quitter jusqu'à nos jours -, et livrent des efforts louables pour le genre. Mais ce que l'on remarque surtout, c'est une batterie plus agressive, celle du massif Nicholas Barker - massif, même s'il est clairement visible qu'il s'était un peu trop gavé de sang au moment de son départ, en 1999 (oui, suivre la valse des membres du Berceau des Immondices relève d'un véritable chemin de croix !), ainsi que les macabres interventions du clavier (l'autre frère Ryan, Benjamin), nimbant le morceau et l'album en son entier de nappes gothiques et symphoniques, belles en diable, et qui allaient faire du groupe sa marque de fabrique et par la même occasion lancer un style dans lequel nombre de suiveurs moins talentueux allaient s'engouffrer avec avidité, face au succès que le combo allait rencontrer (attendre pour cela la sortie du fracassant Dusk and her Embrace). Il y a aussi la basse non négligeable de Robin Eaglestone (ah, le début de The Forest Whispers my Name !). Et puis bien sûr il y a le chant de Dani, même si sur ce premier album les hurlements criards façon banshee qui le caractériseront plus tard (allez, au hasard, sur Dusk and her Embrace, l'album aux ventes phénoménales pour le genre, oeuvre qui a véritablement lancé le groupe !) ne sont pas encore trop présents. Sur Principle, les vocaux oscillent encore entre black traditionnel, un peu de death et une voix sombre et claire orientée vers la narration, mais on sent déjà que quelque chose de nouveau se prépare, qui va bousculer les codes du genre et diviser à jamais les fans de l'extrême.

Il y a ces interludes orchestraux fort habiles à créer une atmosphère gothique et romantique, très éloignée des haineux braillements de ce mouvement limité à l'underground.

Ecoutez le très inquiétant Iscariot, alimenté par le stress d'un coeur qui bat puis soudain s'arrête sur fond d'orage et de pluie, juste avant que le coeur ne se remette à battre de plus belle ! L'ambiance d'un film d'horreur est installée en 2mn33 ! 

Il y a aussi le superbe et planant One Final Graven Kiss, beaucoup plus atmosphérique, digne de figurer sur la bande-son d'une romance vampirique, horrible et tragique (donc, très loin du sujet Twilight, qui énerve Dani au plus haut point et heurte son coeur assoiffé de sang à coup de pieu acéré !!!).

Et que dire de In Secret Love We Drown, vertige des sens ensoleillé de magie sur fond d'eau qui s'écoule (moment de répit permettant à coup sûr de se protéger de toute attaque vampirique, ceux-ci, les vrais, n'aimant ni la lumière ni l'eau autre que stagnante).

A Dream of Wolves in the Snow peut-être rattaché à la catégorie des instrumentaux de Cradle of Filth, même si la voix de Dani intervient pour la narration, rappelant les mots de Bela Lugosi dans son interprétation du célèbre comte Dracula (je ne sais plus si on les retrouve dans le roman), "Oh, listen to them, the children of the night, what sweet music they make".

L'album a maintenant 19 ans en cette fin 2012, mais il retentit toujours des échos fracassants d'hymnes qui n'ont pas pris une ride et sont encore joués sur scène : The Forest Whispers my Name (qui sera réenregistré sur l'EP qui suivra, Vempire, avec des moyens supérieurs, mini album enregistré pour mettre fin au catastrophique contrat qui liait le groupe à Cacophonous Records, qui ne leur versa jamais le moindre penny !), Summer Dying Fast, The Principle of Evil Made Flesh et The Black Goddess Rises réenregistrés quant à eux avec des moyens décuplés sur l'EP Bitter Suites to Succubi, sorti en 2001 sur le propre label du groupe, Abracadaver.

Il y a aussi le long (8 mn) et carrément flippant Of Mist and Midnight Skies, lui aussi marqué par le style de chant du sieur King Diamond, alternant différents styles vocaux pour livrer une oeuvre possédée au possible, forte en breaks et ruptures de ton, alliant l'atmosphérique à l'ultra-rapide.

La production est acceptable pour l'époque et le genre, même si elle n'arrive pas à la cheville de Dusk and her Embrace et de tous les albums qui suivirent Midian (celui-ci inclus).

A noter quelques vocaux féminins encore très discrets, dus à l'intervention d'Andrea Meyer. La célébrissime (grâce à Cradle, car son aventure solo fait un peu peine à entendre !) Sarah Jezebel Deva n'allait marquer le groupe qu'à partir de l'EP qui allait suivre, Vempire.

The Principle of Evil Made Flesh est un véritable album culte, du genre à marquer d'une pierre tombale noire. Il annonçait l'aube d'un genre nouveau (et ce même si les vampires aiment peu employer le mot "aube" !), celui du black metal symphonique, dans lequel s'engouffraient déjà Dimmu Borgir et Bal Sagoth (eux aussi ayant démarré chez Cacophonous). Avec Dusk and her Embrace, la foule des adeptes du metal extrême allait se diviser, les uns s'agenouillant bien bas devant leurs idoles aux dents pointues, les autres crachant sur ceux qui étaient devenus "commerciaux" (ben oui, car écouler plus de 200 000 exemplaires de Cruelty and the Beast, c'est sombrer dans le mainstream le plus abject pour certains !). Mais cela est déjà une autre histoire...

 

En attendant, je vous laisse avec le cultissime The Forest Whispers my Name, ses rythmes rapides et sa voix de possédé !

 

Bonne écoute,

 

Stéphane DELURE

 

 

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G
<br /> pochette vraiment atroce, j'adore....<br /> <br /> <br /> le morceau envoie du bois!!!!.<br />
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M
<br /> <br /> Atroces, c'est comme ça qu'on les préfère ! Et la puissance de ce morceau a été décuplée sur l'EP qui a suivi, avec une meilleure production et des hurlements à faire pâlir Oncle Bens ! <br /> <br /> <br /> <br />