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In Their Darkened Shrines - Nile (2002)

Publié le par Mordhogor

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At The Gates Of Sethu, septième offrande des dieux du brutal death metal technique (tout ça, oui, je sais, et encore, j'ai pas tout dit !) vient de sortir. Je ne l'ai pas encore acheté, mais cela ne saurait tarder, car j'ai bien trop peur qu'Anubis en personne vienne hanter mes cauchemars et me tasser au passage dans de jolis vases canopes destinés à décorer les meubles de sa pyramide inversée !

Alors pourquoi, par Osiris, ai-je ouvert cette page ? Parce que mon chiffre préféré reste le 7, et que là je ne peux rien faire. Mais le 3 vient ensuite. Et c'est donc tout naturellement pour revenir sur le fabuleux troisième opus des dieux américains - si, si ! - voués à la culture égyptienne, celle du Livre des Morts, des malédictions, et des sauriens qui ont appris à marcher que je prends la peine de tendre la main vers vous. N'ayez pas peur, les bandelettes sont en pur coton, produit sur les berges mêmes du Nil !

Sévissant depuis 1993, et ayant sorti leur premier album en 1998 (The Catacombs Of Nephren-Ka - pharaon avataresque de Nyarlathotep, sorti de l'imaginaire de Lovecraft et par la suite largement développé par Robert Bloch ou Lin Carter afin de compléter le panthéon cthonien du reclus de Providence), les américains de Nile évoluent dans un style extrèmement violent baignant dans l'ombre des mystères égyptiens. Ce leitmotiv est la marque du principal fondateur du groupe, Karl Sanders, qui a à deux reprises déjà sorti des oeuvres personnelles, uniquement ambiantes mais toujours composées sous l'effet du venin des aspics lovés dans les pierres des pyramides. Jetez d'ailleurs une oreille plus qu'attentive sur Saurian Meditations et Saurian Exorcisms, vous risquez fort de tomber sous le charme de cette musique étrange beaucoup moins corsée que celle qui hurle depuis que vous avez ouvert cette terrible page.

Vous êtes donc encore sous le choc du morceau que je vous ai proposé en écoute, The Blessed Dead. La tête vous tourne ? C'est normal, vous venez de vous faire passer à tabac par une armée de morts-vivants sortis tout droit de catacombes perdues depuis des lustres! Une petite ouverture avec quelques choeurs discrets, et la batterie vous assomme, non, vous matraque à n'en plus finir ! C'est à Tony Laureano que vous devez cela. Il ne tînt que 3 ans au sein du groupe avant que les bras ne lui en tombent. Et c'est vraiment dommage qu'il soit parti - même si ses successeurs sont loin de se montrer indignes -, car c'est véritablement lui la star de l'album, celui qui a hissé l'album au rang souvent galvaudé d'oeuvre "culte". Les compositions sont bien évidemment torturées et techniques à souhait, et elles sont bien le fait de Sanders, mais le batteur a su transcender son travail d'une bien belle façon. Enfin, "belle", tout est relatif, car nous parlons tout de même de brutal death metal, et l'heure n'est pas à la finasserie.

Cela continue avec Execration Text, pour ne plus s'arrêter avant la fin de l'album et le complexe titre éponyme séparé en quatre mouvements, tantôt ultra-rapides, tantôt plus nuancés.

On respire heureusement tout au long de la cérémonie, avec notamment la "douce" entrée dans le Sarcophagus, qui offre au passage une rythmique dantesque et implacable, mais au final, votre cervelle aura "délicatement" été retirée de votre boîte crânienne, par des crochets en forme de riffs acérés, enfoncés sans ambages dans vos oreilles - cela me paraît plus approprié que le passage habituel par voie nasale. Et vous serez toujours bel et bien vivant durant l'opération, les douillets devront donc prendre leurs jambes à leur cou et fuir la malédiction !

Les morceaux courts et rapides vous mèneront tout droit sur le sable poussiéreux des plaines chères à Horus, et vous verrez, mais il sera trop tard, foncer vers vous une horde de chars de guerre menés par des chevaux écumants ! Ces piétinements en règle portent de doux noms, Kheftiu Asar Butchiu, Churning the Maelstrom, Wind of Horus, avec une mention toute spéciale à ce dernier morceau, littéralement possédé par un rythme de guitare hypnotisant dont la montée en puissance se fait en deux temps, comme une danse de serpent qui se dresse, puis oscille et tout d'un coup frappe en vous faisant don de son venin. Car voilà bien toute la force de Nile : instiller de la subtilité et une grande technicité dans un ouvrage marqué d'une incroyable puissance dévastatrice.

J'avoue avoir une faiblesse toute particulière pour le morceau d'ouverture, The Blessed Dead, qui a dû me cueillir comme il faut et me marquer à vie lors de la première écoute. Mais les pièces maîtresses de l'album sont ailleurs, avec tout d'abord Unas Slayer Of The Gods, long morceau à tiroirs de 11 minutes, imposant avec ses rythmes cassés, au cours duquel une lenteur toute oppressante se mêle à une dangereuse vélocité, fureur tempérée à nouveau par le son grâve de trompes venues d'un autre temps ou le chant clair déclamé par des prêtres possédés.

Puis vient ensuite le titre éponyme, séparé donc en quatre parties, formant un ensemble de 18 minutes ! Certains albums de death metal des années 90 étaient presque aussi longs ! Tout commence avec des percussions martiales et entêtantes, laissant présager les prétentions plus personnelles de Sanders, que l'on retrouvera développées sur Saurian Exorcisms, son deuxième opus solo. Des sons bizarres se mêlent à des chants incantatoires. On se perd dans la fumée des encens. Puis les percussions reprennent, encore plus fortes et oppressantes, et nous nous sentons menés tout droit dans les couloirs obscurs d'une grande pyramide, dérisoire offrande destinée à mourir emmurée avec son pharaon. On a bien envie de faire marche arrière, mais le second morceau nous balance une voix death hurlée comme jamais qui monte en rapidité. Si fuite il y a, elle se fera dans l'urgence, et nul doute que l'on finira proprement empalé sur l'un des pieux acérés ornant les fossés qui se creusent autour de nous ! Avec le troisième mouvement, nous sommes perdu dans un couloir obscur, peut être enfin éloigné des menaces, mais ça hurle à nouveau à s'en arracher les cordes vocales et quelques-uns tombent, le coeur ayant laché ! Il n'y a plus d'échappatoire, on termine dans la chambre mortuaire qui sera notre dernière demeure. La majesté du dernier morceau nous transporte alors, nous enchante même. Finalement, tout cela n'était peut-être pas vain, et mourir avec notre grand souverain - et ses belles concubines ! - nous ouvrira peut-être les portes d'un monde meilleur. C'est atmosphérique, sombre bien sûr, mais incontestablement beau. Les voix ont disparu - pour la petite anecdote, les trois membres du groupe se sont usé les cordes vocales sur le reste de l'album ! -, et ne reste plus que la mélopée incantatoire des instruments, inconcevable ébauche électrique d'un imaginaire égyptien sorti tout droit de l'esprit d'un américain habité par l'Orient.

Il y a beaucoup dans ce disque. Les solos tranchants côtoyent  des ambiances inhabituelles. Les voix sont typiquement death, hurlées ou caverneuses à l'extrème. Les arrangements sont omniprésents, complexes, et incluent de la guitare sèche, des choeurs et des instruments dont je ne saurais vous citer le nom.

Pour terminer, il faut aussi souligner le travail d'écriture. Plutôt que comprendre les mots... hurlés... prenez tout simplement le livret, sobre et beau comme un moderne papyrus, et plongez vous dans sa lecture. Vous trouverez non seulement des paroles propres à vous plonger dans une horreur sans fin, mais aussi, ce qui est assez rare, les histoires et faits auxquels les textes font référence et qui ont donné corps à l'ouvrage ! Voilà qui change de Deicide !

Dans le monde idéal du death bien brutal, mon vote ira sans hésiter à Sanders, et pas à Benton !

 

Allez, bonne écoute !

 

Stéphane DELURE

 

 

 

 

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