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Silverthorn - Kamelot (2012)

Publié le par Mordhogor

Silverthorn alternate cover

A l'aube du siècle dernier, en l'an de grâce 1999, j'ai découvert par le biais d'un sampler un titre qui m'a tout de suite ravi le coeur, Nights of Arabia, du groupe américain Kamelot, dont je n'avais jusqu'ici je l'avoue jamais entendu parler. Il s'agissait pourtant là de leur quatrième opus, mais du deuxième enregistré avec leur emblématique chanteur, Roy Khan, et du premier doté d'une production enfin digne de ce nom, réalisée de main de maître par les désormais incontournables Sascha Paeth et Miro (le Holy Land d'Angra, tous les Rhapsody et projets en solo de Luca Turilli, ça vous dit ?).

Une voix chaude et mélodieuse, chargée en émotions, alliée à des rythmiques puissantes et inspirées, aux ambiances aussi bien médiévales qu'orientales (avec le titre cité, on s'en serait douté) ou encore celtiques. Le tout sans oublier la magnifique pochette de Derek Gores, qui aujourd'hui encore parvient à m'émouvoir - les connaisseurs sauront de quoi de parle !

J'ai suivi depuis ce jour béni la carrière de ce groupe hors du commun, qui a su se forger sa propre identité, comme peu de groupes savent le faire de nos jours, alliant la fougue du power-metal plutôt influencé par ses modèles européens à un romantisme noir devenu prédominant depuis l'excellent Black Halo, le tout sur fond de symphonies n'hésitant pas à s'inspirer d'oeuvres classiques. Les albums sortant avec une rigueur quasi-métronomique, sans pour autant que cela nuise à la qualité des albums, la pression et l'intérêt pour le groupe restaient constants. Cependant, à trop évoluer vers le côté obscur (non, je ne cite pas Dark Vador !!!), le groupe s'est perdu dans les méandres d'un enfer qui ne lui seyait pas, avec le controversé Poetry for the Poisoned et sa pochette devenue inquiétante et confiée aux soins de l'artiste illustrant les doomeux de Moonspell. La mélodie se noyait dans un puits de noirceur et le chanteur commençait à sérieusement ressembler à un clone ridicule et raté de Dani Filth, hurleur officiant dans un registre bien plus radical mais assumé depuis longtemps.

Après tout, quel grand groupe n'a pas "commis" cet album qui divise les fans et leur fait brandir le poing ! Judas Priest en son temps a fait hurler avec les claviers de Turbo, Iron Maiden également avec l'ambitieux Seventh Son of a Seventhson (pourtant tous deux de magnifiques albums, donc j'ai peut-être après tout mal choisi mes exemples... A vous de compléter cette liste d'albums sur le fil du rasoir, tiens !). La faute de goût pouvait sans peine se gommer et s'oublier, mais ce fut alors que l'impensable se produisit.

Pour cause de burn-out, terme plus communément connu chez nous sous l'appelation de "pétage de plombs", ou plus élégamment dit "stress devenu ingérable", Roy Khan rendit les armes et regagna sa Norvège natale où il retrouva sa famille et un travail probablement moins exaltant mais aussi moins exposé et exténuant -  et à raison d'un album environ tous les deux ans et de tournées presque ininterrompues à travers le monde entier, on peut le comprendre et lui souhaiter tout le bonheur du monde après celui qu'il aura su nous donner sur tant d'incontournables oeuvres.

Triste nouvelle donc pour le monde du metal qui perdait l'une de ses plus remarquables voix. Et un ciel bien obscur commençait à recouvrir - cette fois-ci pour de vrai - le groupe de Thomas Youngblood, combo dont l'avenir pouvait se montrer dangereusement compromis tant la voix de Khan avait su marquer le groupe de sa voix incomparable. Fabio Lione, de Rhapsody, assura bien avec talent les dernières tournées du groupe, mais son timbre unique était quant à lui trop attaché au groupe italien pour ne pas risquer de créer de possibles écueils s'il s'intégrait définitivement au groupe - on écoute du Rhapsody ou bien du Kamelot ? C'était bien sûr sans compter sur l'obstination du guitariste et leader, ainsi que sur le talent indéniable des voix venues du nord. Evitant de faire le mauvais choix que fit Tuomas Holopainen en changeant radicalement le registre du chanteur (je l'ai déjà dit dans un autre article ? Ah, mais c'est probablement parce que j'en veux vraiment à Tuomas qui a coulé le vaisseau Nightwish que j'aimais tant voir voguer !!!), Thomas recruta le suédois Tommy Karevik, évoluant au sein du groupe de metal progressif Seventh Wonder (j'avoue, je ne connais pas). Autant le dire tout de suite, l'homme est à la fois doté d'un incontestable talent et doué d'une véritable personnalité que de rapides écoutes permettent aisément de deviner. A la fois proche de son illustre prédécesseur par sa maîtrise des harmonies vocales et la sensiblité qu'il dégage de son chant, le chanteur ne se contente pas d'être un simple clone du grand Khan.

L'album commence par une sobre et belle ouverture au piano, suivie de choeurs grandioses - même s'il faut avouer que l'on n'atteint pas ici la force de nombre d'intros entendues chez Rhapsody par exemple. Puis vient le single, Sacrimony, Angel of Afterlife (dont je vous ai mis le sublime clip en lien), sur lequel Tommy fait une irréprochable et marquante entrée en matière. Les lignes de chant du refrain ne sont pas simples à tenir et rappellent un certain Farewell, sorti sur l'album Epica, sur lequel Khan faisait de véritables merveilles. J'avoue que la voix légèrement plus chaude de Karevik aurait même tendance à me faire préférer le petit nouveau ! Et je parle avec un sacré recul, car j'ai écouté le single un nombre incalculable de fois avant que l'album ne sorte ! Le morceau renoue avec ce que le groupe sait faire de mieux, et rassure d'emblée. Nous avons même droit à deux invitées de choix, en la présence d'Elize Ryd, d'Amaranthe, et de la vénéneuse Alissa White-Gluz, de The Agonist. La voix de la première se fait celle de l'ange qui pourra amener le pardon, et remplace avantageusement l'habituel duo avec Simone Simons, devenu un peu trop convenu. Celui de la seconde, hurlement impressionnant sorti tout droit du plus profond des Enfers, représente de façon bien venue le tourment qui s'empare du "héros" dont le disque narre la tragédie qu'est sa vie.

Car nous avons entre les mains une oeuvre dans laquelle Kamelot est à l'aise, celle du concept-album.

Pas de pacte avec Méphisto ici, ni de Fantôme de l'Opéra. Nous évoluons ici au sein d'un famille vivant au crépuscule du XIXème siècle, famille aisée qui va vivre une tragédie tournant autour de la mort accidentelle d'une enfant. Pour en savoir plus, je ne saurais que vous recommander de vous procurer l'édition limitée de l'album, comportant, outre une version orchestrale de l'album - recette convenue depuis le Dark Passion Play de Nightwish -, un livret somptueux de 40 pages contant la tragédie, simple et belle bien que sombre, qui rappelle un peu l'Abigail de King Diamond.

Le morceau suivant, Ashes to Ashes, m'a un peu moins marqué. La rythmique est solide et le jeu de batterie de Casey Grillo mis en valeur par l'impeccable production, comme le reste des instruments, tout au long de l'album d'ailleurs. Les vocalises de Karevik se font plus personnelles mais toujours aussi maîtrisées, mais l'ensemble est assez classique, avec un refrain sans panache ni envolée. La guitare s'y montre par contre particulièrement agressive et l'on sent que Youngblood en a encore sous la pédale.

Vient ensuite Torn, superbe morceau introduit par le très inspiré Oliver Palotai, claviériste de talent qui jouait déjà un duo de folie avec Youngblood sur le single endiablé, comme aurait dû le faire un guitariste duettiste. La voix mélodieuse de Karevik vous enveloppe, étonnante de facilité sur un refrain pourtant ardu. L'émotion qu'il fait vivre est palpable et séduit sans peine l'auditeur le plus blasé. On se dit là que le groupe a réussi un coup de maître en l'enrôlant, et réussi là où bien des groupes ont échoué. Sur la fin du morceau, lorsque la voix résonne, simplement accompagnée d'un violon, elle vous entraîne en une valse ensorcelante, tutoyant le divin.

Puis vient l'exercice le plus périlleux de l'album, avec Song for Jolee, celui sur lequel Khan a marqué en beauté pratiquement chaque album du groupe, celui de la ballade accompagnée par un simple instrument, acoustique. Rappelez-vous de Sailorman's Hymn, Abandoned, ou Don't You Cry. La réussite du morceau est ici rendue encore plus difficile car elle représente dans l'histoire contée l'hymne créé par la mère en l'hommage à sa fille défunte, mélodie qui va hanter toutes les morts à venir. Et l'effort est une incontestable réussite. La justesse du chant de Karevik est tout simplement à pleurer, sa retenue aussi. Il y a de la mélancolie bien sûr, mais aussi beaucoup d'amour, celui qui se passe de mots, celui qui se traduit par des battements de coeur, par le regard de gens qui s'aiment. Un morceau beau à pleurer je vous dis ! Le piano est discret, puis est renforcé vers la fin par l'arrivée du violon maudit qui hantera bien des nuits, avant que la guitare électrique ne lance un unique et sobre éclat.

Veritas remet le power metal puissant du groupe au sein du propos. Karevik s'éloigne des notes que tenait Khan, et s'envole avec un peu plus de puissance. Il en a dans le coffre le suédois ! Un petit break celtique vient illuminer le morceau avec propos, soulignant la voix de la délicieuse Elize.

Puissance et retenue, voici encore le mariage réussi sur My Confession, on l'en semble cette fois-ci entendre Roy Khan. La ressemblance est ici frappante, si ce n'est une petite envolée dans les aigus que Khan n'aurait peut-être pas pu atteindre (oui, je l'ai dit !) ! Le morceau est classique mais efficace. Et toujours cette maîtrise des harmonies vocales, qui emporte l'adhésion, même sur des morceaux mineurs !

Le morceau éponyme arrive, annoncé par le violon maudit avant que les claviers et la guitare ne se lancent dans un duel effreiné ! Un choeur d'enfant s'interpose entre les instruments déchaînés de cette "deadly serenade". Belle intervention du violon aussi, qui réussit l'exploit d'être un instrument aussi tranchant et efficace que la guitare de Youngblood, très inspirée tout au long de l'album.

Falling Like the Farenheit fait à nouveau intervenir la délicieuse Elize Ryd, qui forme à nouveau un beau duo avec Tommy, même si son intervention se veut volontairement discrète. Les arrangements du morceau sont superbes. Oliver Palotai peut être fier de son travail tout en finesse, c'est vraiment du grand art. Quelques chants fantomatiques, lointains, viennent magnifier le morceau avant que tout cela ne prenne un court moment une tournure étrange qui rappelle le prog metal américain de Magellan (4ème minute).

Solitaire arrive ensuite, animé d'une teneur radicalement heavy et entraînante à souhait, comme Kamelot sait si bien le faire quand il est inspiré.

Puis l'émotion revient avec Prodigal Son, qui démarre sur une cloche funèbre et un claveçin triste à souhait. Sur ce morceau, la voix de Tommy Karevik touche au sublime, son chant me faisant au début penser à Andre Matos tel qu'il était en 1996 et à l'émotion qu'il avait su imposer sur Holy Land et Freedom Call. Le solo de Youngblood est particulièrement réussi, rehaussé par une rythmique qui redevient lourde et implacable. Ce morceau est une immense réussite, et séduit d'emblée par sa richesse et sa montée en puissance, propre à faire pousser des ailes dans le dos de l'auditeur.

Tout se termine avec Continuum, beau en diable avec ses choeurs sublimes et son piano émouvant. Plus de voix, l'histoire touche à sa fin, au son du violon "Silverthorn", offert par le père malheureux à sa douce épouse et dont les échos vibrants chantent le passage de l'âme de sa fille ayant enfin trouvé le repos éternel.

 

J'ai remis l'album en route, encore et encore, et le charme n'a pas disparu, au contraire, gagnant en émotion à chaque nouvelle écoute, et je sais que nombre de découvertes m'attendent encore.

  

Kamelot est ressorti grandi des épreuves traversées, et tel un phénix majestueux, a su renaître de ses cendres, signant là probablement l'un de ses plus beaux albums, aux côtés de Black Halo et The Fourth Legacy.

 

Bonne écoute !

 

Stéphane DELURE

 

 

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M
<br /> Bah ! Il y aura toujours des réfractaires au changement. Bien des groupes ont souffert du remplacement de leur chanteur, qui reste malgré tout l'empreinte la plus reconnaissable de<br /> n'importe quel combo - sauf chez Malmsteen peut-être (il a changé combien de fois de voix ce tyran ??? Maiden, Judas Priest, Nightwish (là, erreur totale avec une chanteuse aux<br /> capacités vocales limitées à celle d'une chanteuse pop qui ne peut logiquement reprendre sur scène les standards précédemment interprétés par une soprano, la divine Tarja). Mais dans quasiment<br /> tous ces cas, le chanteur a claqué la porte ou a été viré comme un malpropre. Là, c'est différent, et il faut respecter le choix de Khan, puis laisser sa chance au successeur. Et il faut<br /> avouer que Karevik est à la hauteur du challenge (j'ai jeté une oreille sur Seventh Wonder, son ancien groupe, et ça a l'air bigrement intéressant) ! J'ai posté un nouvel article sur mon chouchou<br /> dans la discographie de Kamelot, The Black Halo. Je prépare une chro sur Karma aussi, qui souffre de se trouver coincé entre de sacrés morceaux de cette riche discographie que je révise à fond,<br /> actualié oblige.<br />
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F
<br /> Mais de rien ! ça me fait tellement plaisir de lire quelqu'un qui ressent exactement la même chose que moi au sujet de Kamelot, y compris sur les différents albums. J'ai lu je ne sais plus où des<br /> "déçus" avec ce nouvel album, et j'avoue que je peine à comprendre... Pour ma part, je le trouve excellent ! <br />
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C
<br /> Très joli morceau et clip très sympa<br /> <br /> <br />  <br />
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F
<br /> Tout est dit ! C'est exactement ce que je ressens ! Bravo d'avoir trouvé les mots ! <br />
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M
<br /> <br /> Merci d'avoir pris le temps de me lire ! Je suis vraiment heureux de la tournure que prennent les évènements pour Kamelot. Khan restera un très grand chanteur, mais il a trouvé en Karevik un<br /> digne successeur, doté lui aussi d'une réelle personnalité. Et quelle inspiration dans les arrangements ! Classieux !<br /> <br /> <br /> <br />