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Malice Divine - Everlasting Ascendancy (27 janvier 2023)

Publié le par Stéphane DELURE

 

Le monde de la musique a évolué avec les progrès technologiques. Et cela a apporté énormément de changements ! Finis les bœufs dans la cave de mémé et les enregistrements au rendu douteux, bricolés avec les moyens du bord. Finies aussi les retrouvailles entre potes de lycée pour taper la répète. Il suffit maintenant d’un bon ordi, d’un minimum de ténacité et de savoir-faire, et l’on peut se lancer sur le marché musical. Nous n’en sommes pas encore rendus à l’ère de Skynet version metal, un monde où la musique serait produite et composée par des robots, mais il y a incontestablement un changement, une sorte de repli sur soi pour le meilleur et aussi pour le pire.
Malice Divine est l'œuvre du schredder canadien Ric Galvez (ex-Astaroth Incarnate, ex-Oneiromancy), car oui, sa façon de manier la six cordes est avant tout sa marque de fabrique, et il serait vain de nier ici son indéniable savoir-faire. A part ça, le mec a tout fait ou presque sur un premier opus éponyme, sorti en 2021, album plutôt impressionnant avec ses vocaux à la Dissection et cet art étrange de mêler avec tant de brio la noirceur du black/death avec un sens approprié de la mélodie grâce à sa divine six cordes (c'est qu'il est vraiment bon le mec !). Le batteur Dylan Gowan (Vespera, Hallows Die) était venu blaster à tout va, tandis que Lindsay Schoolcraft (Cradle of Filth) avait fait un passage pour aérer un morceau de ses claviers.
2023 débute et Ric Valdez nous livre son nouvel opus, à nouveau entièrement composé par lui, la batterie étant encore une fois confiée à Dylan Gowan. Le premier album était bon, celui-ci hausse le ton d'un cran, avec une mise en avant des guitares encore plus évidente, au détriment des ambiances peut-être, mais laissant tout le monde d'accord quand elles s'expriment... et elles s'expriment beaucoup ! L'avantage d'un one-man-band, c'est de laisser à son créateur la possibilité de tout contrôler de A à Z, de faire de ses compositions un véhicule pour communiquer. L'inconvénient est le manque de nuances, ce petit truc qui fait que dans un vrai groupe, même doté d'un leader charismatique, d'autres sont là pour donner leurs idées, influencer la direction d'un morceau, jouer sur un changement de tempo, livrer quelques notes qui vont tout changer. Que serait Iron Maiden si Steve Harris - pourtant maître incontesté de la Bête -, occupait tous les postes ?
Everlasting Transcendancy est fort de huit compositions qui forment toutes un peu le même dessin, celui d'une arme d'hast à la hampe entourée de barbelés plus ou moins espacés et fournis. L'arme vise l'avant, comme ces huit morceaux qui foncent vers l'adversaire, sans autre but que de frapper du geste qui la propulse, et les barbelés symbolisent pour moi les interventions nombreuses des guitares, riffs thashisants annonçant l'arrivée des nombreux soli, orientés death mélodique tandis que la voix s'exprime dans un growl propre au black des contrées nordiques de l'Europe. Le Canada répond ainsi à la Scandinavie, et le fait de la plus belle des façons avec ce morceau d'ouverture, Silenced Judgment, qui rappellera sans peine le riffing et les vocalises d'Immortal. Pour le reste des inspirations, on pensera beaucoup à Arch Enemy (Usurping the Paragon) ou Children of Bodom, mais aussi à Legions of the Damned, et son thrash death entêtant (At One With Infinity). J'ai même songé à Gloomy Grim parfois pour certains vocaux vraiment evil. Mais Malice Divine a son propre savoir-faire, qui éclate au travers de cette guitare inspirée. Je parlais il y a un instant d'At One With Infinity. Il faut entendre ce morceau, lorsqu'il semble se calmer en son milieu, paraissant presque se terminer, quand intervient un riff répété, repris en écho comme si une seconde guitare venait l'appuyer, puis quand éclate le magnifique solo que je ne peux m'empêcher d'attendre avec un infini plaisir lorsque je le sens monter, culminant sur une pointe chargée d'émotion. Vraiment superbe, probablement mon moment préféré de l'album. Parasitic Demons propose une rythmique propre à affoler le pit, ratant cependant le coche en décidant de ralentir à un moment où la frénésie aurait dû continuer pour le coup.
Car oui, Malice Divine est une œuvre frontale, qui ne donne pas dans la stratégie compliquée, hormis sur le mid-tempo At One With Infinity, et c'est probablement ce que l'on peut le plus lui reprocher, celui de livrer des morceaux offrant peu de changements (les première écoutes peuvent même laisser l'impression d'un tout qui se répète, mais ce serait une belle erreur que de ne pas lui donner une seconde chance). Reclaimed Strength arrive d'ailleurs fort à propos pour adoucir un peu le ton en milieu d'album, proposant à nouveau une ambiance froide à la Immortal après avoir lancé le titre sur de superbes arpèges. Dommage que là encore seule la guitare propose un break, car au niveau vocal il n'y a nulle part ici comme sur les autres titres de surprises à tiroirs, cette façon de surprendre qu'un travail d'écriture plus poussé, peut-être aidé par d'autres comparses, devrait entraîner pour réellement passionner. Il y a pourtant du génie dans Illusions of Fragmentation, morceau qui lui aussi débute en douceur sur des arpèges dépouillés, se lance ensuite en un torrent semblant ne pas connaître assez de courbes et de chutes : puis un petit ralenti survient et nous injecte un peu de venin, avec un peu plus de nuance dans la menace qui frôle pour le coup la surprise en prenant quelques instants des airs de funeral doom, puis la rythmique folle revient, avant de retrouver les arpèges du début et fondre en un très beau solo de thrash mélodique. Tout se termine avec le titre éponyme, qui écrase tout sur son passage, fort de ses huit minutes qui vont résumer l'album mieux que mon écriture : un morceau-tronc, massif, puissant, sur lequel Galvez a tissé d'incroyables arabesques avec sa six-cordes, ne donnant jamais dans l'épate mais faisant tout pour que son instrument favori donne du corps à la chanson.
Everlasting Ascendancy est un album complexe à appréhender, à chroniquer (je ne compte plus mes écoutes), car à la fois jouissif et décevant. Jouissif car la guitare vient éclairer un genre où elle n'explose pas toujours avec autant de brio (pas mal de citer sans rougir Children of Bodom, Arch Enemy, Dissection et quelques autres). Décevant car il manque ce petit quelque chose que pourrait apporter un travail choral. Reste cependant que pour un one-man-band, Malice Divine s'avère être un beau tour de force, mais pour moi, un poing bien serré vaudra toujours mieux qu'un doigt décidant seul de la direction à suivre.
Auto production au fait, et là encore, rien à redire, c'est du travail de pro !

Note : 07/10

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