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Kesys - Kesys (30 août 2019)

Publié le par Stéphane DELURE

 

Kesys... Quel nom séduisant, apaisant... Cela pourrait bien être le prénom de votre futur enfant, mais en ce qui nous concerne, il s'agit de la nouvelle aventure musicale de Jeff Grimal, artiste pluriel dont les habitués de ce site ont forcément connaissance : l'une de ses peintures au style reconnaissable entre mille orne mon site actuel, son dernier projet, Spectrale, a été chroniqué en ces pages, et il a été fait mention de lui au sujet d'une revue spécialisée qui lui consacrait quelques pages
La connaissance de cette personne essentiellement tournée vers la perception du monde au travers de son art permet de mieux comprendre ce qu'est Kesys, dont l'artwork, encore une fois superbe, attire d'emblée le regard, en apportant sa part d'ombre et de lumière. Kesys raconte une histoire, une histoire dépourvue de mots, racontée avec de simples notes. Pour les plus curieux, il suffit cependant de se rendre sur la page Bandcamp de Kesys pour savoir de quoi il retourne.
Kesys est un homme comme tant d'autres, un peu trop enserré dans les carcans du monde moderne, ses fracas, sa violence, son injustice. De la noirceur est en lui, le rend parfois mauvais. Il en étouffe et ressent le besoin de s'éloigner du tumulte des villes, de rejoindre ce Jardin d'Eden qui n'a rien de biblique et prend plus simplement les vêtements de Dame Nature. Point question ici d'un dieu créé par l'homme, d'une entité cosmique et maléfique, mais de cette simple, verte et généreuse nature qui reste la source du réel, de l'essentiel, l'Yggdrasil des légendes nordiques. Et il va voyager, parcourir le monde, son esprit assailli par le voile qui peu à peu s'effondre : les vanités s'effacent, les tourments qui l'empêchaient de percevoir la vérité s'évaporent en légères fumerolles.
Et ce message peut se comprendre au travers des notes jouées par l'artiste, seul maître à bord de ce projet plus personnel que jamais. Car nous l'avons bien compris, Kesys est avant tout Jeff Grimal, comme il peut être aussi toute personne se reconnaissant dans l'histoire de ce personnage. Ce voyage musical, car il s'agit bien de cela, est avant tout une introspection, une forme de thérapie, sans la moindre chimie. Des notes obsessionnelles mêlées de bruits en une douce alchimie. Et Kesys ne pourra donc parler qu'à ceux partageant une vision proche de celle de son auteur, tant il est question de sensibilité autant que de musicalité. 
Jeff Grimal, par volonté, s'est peu à peu éloigné de l'univers musical dans lequel il s'est fait connaître et apprécier : The Great Old Ones, Tormenta, Demande à la Poussière et tant d'autres projets extrêmes. Son souhait est désormais de se recentrer sur quelque chose de plus méditatif, comme l'écrin qu'est Spectrale, dépassant le cadre de la simple musique folk. 
Kesys peut d'ailleurs être vu comme une continuation de Spectrale, mais en plus minimaliste encore. Pas la moindre saturation ici. Kesys est de l'ambient pur, du drone, jouant sur les codes du mouvement minimaliste afin de délivrer un message musical que l'on peut traduire en idées tant les notes imposent une forte empreinte visuelle. Et il suffit en effet aux titres de défiler pour que se forment des images, pour peu bien sûr que l'on soit réceptif à ce style méditatif et contemplatif. Et si tel est le cas, la magie va fonctionner.

Un être se dessine, aux pensées qui se troublent au fil d'accords répétés, sombres et mélancoliques, puis le bourdon d'une cloche résonne, et c'est comme le monde civilisé que l'on quitte, pour s'enfoncer dans l'aventure, laissant l'ombre derrière soi. Les notes forment ainsi des pas qui avancent, calmement, duo nous menant sur un chemin où disparaît le bitume pour devenir de la terre, de la pierre, de l'humus et cet univers simple et beau qu'est une vaste et paisible forêt. On perçoit un moment un rayon de soleil qui troue la canopée et éclaire notre chemin, éblouissant nos yeux, dessinant un sourire sur notre visage apaisé. Puis un orage éclate, mais il n'a rien de menaçant. La pluie tombe, et lave simplement l'homme de ses péchés, lui rappelle aussi ces voix d'enfants qui chantaient l'innocence. Au bout de son parcours, Kesys prendra racine, au propre comme au figuré, en ce lieu où règne une paix que rien ne semble vouloir déranger et où il fait enfin corps avec le Tout. Et si la musique de Jeff Grimal nous a touchés par sa profonde sensibilité, nous sommes en cela devenus semblables à Kesys, car nous aussi nous sentons ressourcés, pour quelques instants partie intégrante de cette nature apaisante à des lieux de ce qui parfois vient ronger notre quotidien. Et si ces instants ne suffisent pas, la seule alternative est de remettre le disque, encore et encore, le temps qui nous paraîtra nécessaire pour nous détacher du réel et mieux y revenir. Car n'oublions pas qu'un rêve n'a de merveilleux que sa force intangible, son illusoire perfection qui pour quelques instants nous aura transportés ailleurs, en un endroit que seuls nous pouvons apprécier, et qui dans le monde réel gardera pour nous son parfum rassurant.

Il aura suffi de quelques notes, doucement répétées, magnifiquement interprétées. Et si seulement quelques cœurs auront été touchés, Kesys en cela aura été une grande et belle réussite, dépassant le bénéfice spirituel qu'en a tiré son propre auteur. 

 

Note : 09/10...................... car il n'y a pas que le black dans la vie !
 

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