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Gary Myers - The House of the Worm (1975)

Publié le par Stéphane DELURE

 

Gary Myers n'est pas le nom le plus illustre qui soit dans l'univers de la littérature fantastique, mais nul doute qu'il fera écho dans l'esprit de nombre de lovecraftiens, ceux possédant par exemple quelques uns de ces fanzines perpétuant le Mythos, tels le célèbre Crypt of Cthulhu. 

Hélas jamais traduit en français, il vous faudra chercher, si vous souhaitez découvrir sa plume, du côté des éditions originales. Et cela peut valoir le détour si vous êtes comme moi un irréductible de ces écrits tentaculaires qui se propagent à travers les frontières et le temps, rampant jusqu'aux rayons de nos bibliothèques avec patience, et toujours de façon irrépressible.

Gary Myers fait partie de ces écrivains respectueux du matériau d'origine, rendant hommage avec un style qui lui est cependant propre - à savoir une bonne dose d'humour noir -, à ces auteurs qui ont bercé ses jeunes années de lecture (Lovecraft donc, mais aussi Clark Ashton Smith et Lord Dunsany).

C'est à l'âge de 17 ans qu'il est publié pour la première fois par un certain August Derleth, voyant sa nouvelle The House of the Worm apparaître dans l'anthologie The Arkham Collector en 1970. Le même Derleth lui fera l'honneur d'une publication sous forme de recueil, réunissant en 1975 les 10 nouvelles ayant pour toile de fond les douces Contrées du Rêve (Dreamlands) si chères à Lovecraft. 

Douces ? Pas nécessairement ! Car les malheureux et jamais valeureux héros de ce recueil y connaissent un sort funeste que personne n'aurait l'idée saugrenue de leur envier. Et même s'il s'agit d'aventuriers et de voleurs souvent peu recommandables, on ne peut que souhaiter ne pas entrer à notre tour dans l'un de ces songes qui tournent au cauchemar.

Qui dit Contrées du Rêves dit repères inévitables, sous peine de se perdre en une autre terre de jeu empesantie de relents de plagiat. Nous retrouvons Ulthar, Celephaïs, Dylath-Leen et ses voiles sombres, entendons parler de Kuranes et même des Zoogs, et bien sûr de ces créatures ignobles à l'aspect de batraciens. Les règles y sont connues, maîtrisées, et rythment avec délices ce petit recueil de 77 pages. Tout se passe au crépuscule, ou peut-être à l'aube, quand le jour devient nuit, ou bien l'inverse. Il faut être sur le seuil, quand l'éveil devient sommeil et quand les frontières du possible s'étirent à l'infini, quand il faut cependant prendre garde à ne pas périr d'un côté comme de l'autre de l'entrée, de peur de connaître un cauchemar sans fin.

La règle de Gary Myers est simple : vous entrez dans une histoire dont vous êtes le malheureux héros, propulsé devant une porte ou équivalent symbolique orné d'un signe curieux, souvent à demi-effacé par les ravages du temps, et vous allez chercher quelque artefact, découvrir une sombre demeure mystérieuse (l'impressionnante maison de la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage et forme le linteau de l'elzévir maudit), croiser des prêtres souvent chauves et ricanant, puis pénétrer dans les territoires de l'horreur. Suivant le style lovecraftien (avec forcément ici de fortes touches dunsaniennes), le vocabulaire y est riche, macabre, parfois redondant - d'une nouvelle à l'autre, on y croise les mêmes expressions, souvent à la virgule près. Votre anglais n'est pas parfait, comme le mien ? Cela n'est pas grave, vous y passerez juste un peu plus de temps et enrichirez votre connaissance de ces termes tordus qui invoquent des voix et des rires étouffés, ces mille et une façons de se vautrer dans le "répugnant" et le "malsain". La violence est bien là, terrible, mais elle a la force d'être indicible, et donc de laisser parler votre imagination, chaque chapitre se terminant par une somme de courts indices laissant deviner le sort terrible connu par ce pauvre fou ayant osé s'aventurer là où il ne fallait pas, tourner les pages d'un livre qu'il valait mieux laisser fermer, c'est à dire... nul autre que vous !

Allan Servoss est l'artiste chargé de l'illustration de couverture et de quelques pages intérieures. Le résultat est assez curieux, finalement guère effrayant, presque digne d'un livre pour enfants. Il faut cependant savoir que Derleth, alors au seuil de son propre trépas, lui avait laissé des indications lapidaires et floues, l'amenant à ne pas se préoccuper du fond mais de veiller simplement à créer une ambiance, ce qui revient à esquisser les yeux fermés. Le dessinateur se rattrapera plus tard en illustrant nombre de Crypt of Cthulhu et autres ouvrages lovecraftiens, en faisant un artiste bien connu des adeptes du Culte.

Ouvrage intéressant, drôle et cruel, empli de ruelles pavées serpentant sous des maisons chancelantes, il offre ce paradoxe d'être décrit par Myers lui-même dans la préface comme une "hérésie", hérésie non pas à Lovecraft... mais à Derleth qui l'édita et cherchait trop à raccrocher les wagons, mettre de la cohérence dans un univers chaotique et créer un panthéon allant à l'encontre de ce que voulait Lovecraft. Ah, si vous êtes un rôliste, et que le mot "Chaosium" vous parle forcément, nul doute que vous allez croiser dans ce livre quelques noms et lieux qui vous seront familiers.

Partez donc maintenant à la recherche de l'un des 4143 autres exemplaires, le mien n'étant comme ses congénères pas à vendre, car pour reprendre Indiana Jones, illustre confrère archéologue, "sa place est dans un musée" ! Bonne lecture !

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