Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Guerre de Crimée, 1853-1856 - Alain Gouttman (1995)

Publié le par Mordhogor

Guerre-de-crimee.jpg

Guerre de Crimée, ou l'ancêtre de la guerre dite "moderne", qui inaugure la première implication militaire des troupes françaises sous le règne de Napoléon III, durant le Second Empire. Cette guerre remit au premier plan la grandeur de la France et sema les graines du conflit mondial qui allait ravager le début du XXème siècle.

L'ouvrage dont je vais vous parler raconte l'histoire de cette guerre, ou, devrais-je plutôt dire, une "version" de cette guerre, celle d'Alain Gouttman, spécialiste du Second Empire. Car n'oublions pas que le travail des historiens de notre siècle est basé sur des travaux anciens parfois très loin d'être objectifs, un travail fondé sur des éléments dont le caractère peut souvent prêter à caution ou erreur d'interprétation. L'administration russe ou ottomane étaient par exemple loin d'égaler celles des puissances britanniques et françaises, amenant leur flot de renseignements difficiles sinon impossibles à vérifier. L'orgueil aussi, jouant un rôle déterminant dans ce combat d'egos, surtout dans les rapports de force qui marquèrent l'alliance franco-britannique, et qui fit que les mêmes faits pouvaient donner lieu à des versions diamétralement opposées selon l'auteur et le destinataire d'un rapport. Les compte-rendus envoyés à la reine Victoria ou à l'empereur Napoléon III par leurs généraux ou ambassadeurs étaient souvent différents, tout en abordant les mêmes sujets. 

Ce phénomène prend des proportions telles qu'il est étrangement possible selon les ouvrages consultés de trouver la version selon laquelle la France a entraîné avec vigueur l'allié britannique dans ce conflit ou bien... l'inverse ! Il en était de même des batailles, dont les vainqueurs célébrés n'étaient pas toujours ceux à féliciter.

Ce conflit vit naître les balbutiements du reportage photographique et de l'influence qu'il eut sur l'opinion publique, touchant des hommes et femmes pourtant si éloignés des horreurs des combats. Les reporters mandatés n'étant cependant dépêchés que par le gouvernement britannique, leur travail ne pouvait donner lieu à un réel crédit.

Mais avant de s'avancer plus loin dans le sujet, il est nécessaire de situer le conflit.

Géographiquement d'abord.

La Crimée est aujourd'hui située au sud de l'Ukraine. Cette presqu'île se situe dans la mer Noire et est reliée au territoire par l'isthme de Perekop. Elle représente aussi la clé de la Méditerrannée orientale, et sa possession revient à maîtriser les détroits du Bosphore et des Dardanelles, c'est à dire le commerce s'effectuant entre mer Noire et Méditerrannée.

Politiquement ensuite.

La situation précédant le conflit montre un contexte fort complexe. L'empire ottoman est en net déclin, opposé à un tsar de Russie, Nicolas Ier, désireux d'occuper les principautés moldaves et valaques, alors sous tutelle ottomane, et de protéger les chrétiens orthodoxes qui y vivent. Le tsar souhaite aussi plus que tout jouer un rôle prépondérant dans le jeu des grandes puissances. La Grande Bretagne est quant à elle soucieuse de protéger ses routes commerciales, notamment sa précieuse Route des Indes, sous contrôle du Proche-Orient, et soudainement menacée par les prétentions expansionnistes du monarque russe. Quant à la France, elle est alors sous le règne de Napoléon III, empereur depuis peu (2 décembre 1852), et dont le rôle et les visées interrogent et inquiètent nombre des grandes puissances d'alors (Autriche, Prusse, Grande Bretagne, Russie...), même si le neveu de Napoléon Ier a d'emblée marqué ses ambitions qu'Alain Gouttman résume selon moi à un trop réducteur "L'Empire, c'est la paix", et dont je préfère vous livrer l'intégralité du texte cité en référence : "Certaines personnes disent : l'Empire, c'est la guerre. Moi, je dis, l'Empire, c'est la paix. Des conquêtes, oui : les conquêtes de la conciliation, de la religion et de la morale. Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemin de fer à compléter. Nous avons en face de Marseille un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons enfin partout des ruines à relever, de faux dieux à abattre, des vérités à faire triompher. Voilà comment je comprends l'Empire, si l'Empire doit se rétablir" (Discours à Bordeaux du 9 octobre 1852 publié dans Le Moniteur du 11 octobre).

Toutes les conditions étaient réunies pour qu'un conflit se déclare, mais il fallait un prétexte, une étincelle pour allumer la mèche, et celle-ci prît un étrange visage, celui de l'affaire des Lieux Saints.

L'historien nous explique une histoire fort complexe, ramenant au temps lointain des croisades, puis à la redéfinition de la protection des Lieux Saints, conclue lors des Capitulations de 1535 (!) entre François Ier et Soliman le Magnifique, et donnant aux français la garde du Saint Sépulcre, du Tombeau de la Vierge à Jérusalem et de l'Eglise de la Nativité à Béthléem. Profitant du schisme entre catholiques romains et chrétiens orthodoxes, le tsar va jouer sur la lecture plus qu'ambigüe du traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774) pour se faire le champion des chrétiens orthodoxes sur les terres de l'Empire Ottoman.

Prétexte que tout cela, les préoccupations religieuses étant alors fort éloignées des préoccupations des français de l'après 1789. Quant aux britanniques ou aux russes, ils ne pensaient qu'à leurs ambitions politiques et commerciales.

Intimé de se plier à l'ultimatum russe demandant au sultan Abdülmecit Ier d'accepter son protectorat, un refus ferme et courageux fut présenté au tsar, déclenchant l'invasion des provinces roumaines de l'Empire ottoman, le 04 octobre 1853. Derrière le courage des turcs se cachait aussi leur assurance que les puissances occidentales allaient intervenir.

La voie diplomatique prendra de longs mois mais échouera lamentablement, Alain Gouttman insistant sur le rôle que joua Napoléon III dans la recherche d'une solution politique, avis que n'ont pas toujours partagé les historiens. 

Le 30 novembre 1853, la flotte russe attaque le port ottoman de Sinope et détruit avec une violence rare navires, port et ville, massacrant indifféremment militaires et civils.

Le 29 janvier 1854, Napoléon III tend une ultime fois la main à Nicolas Ier, dans une lettre personnelle faisant appel au respect de la dignité nationale. La réponse du tsar est sans appel, cinglante pour l'empereur français qu'elle sait blesser profondément : " Ma confiance est en Dieu et en mon droit ; et la Russie, j’en suis garant, saura se montrer en 1854 ce qu’elle fut en 1812".

Le 27 mars 1854, Grande Bretagne et France déclarent la guerre à la Russie

Gouttman montre bien la différence qui caractérisa l'entrée en guerre des deux puissances. Napoléon III rechercha la paix par tous les moyens mais s'engouffra dans la guerre en prenant les devants, montrant une France ambitieuse de retrouver sa gloire militaire, de briser son isolement diplomatique et d'affaiblir la nation qui l'avait brisée en 1812. Les forces françaises s'élancèrent avec fougue dans le conflit, mais sans jamais être cependant animées de la moindre passion ni du moindre sentiment de haine envers l'ennemi russe. L'auteur soulignera d'ailleurs en fin d'ouvrage le respect mutuel dont les deux nations firent montre, faisant de ce conflit "la dernière guerre chevaleresque de l'histoire européenne". Britanniques et russes ne connurent jamais les mêmes rapports.

Entrer dans le détail de cette guerre prendrait des pages et des pages et tel n'est pas mon but.

Je préfère mettre en avant les points essentiels soulevés par l'auteur.

Tout d'abord, la force souvent négligée que représenta la puissance ottomane, que l'on disait déclinante. Avec des moyens dépassés, elle réussit - grâce notamment au talent du général turc Omer Pacha - à contrer une première offensive russe lancée en Silistrie et à retarder avec un courage vain mais indéniable la prise du fort de Kars, lors de la seconde offensive russe. 

Les forces de l'alliance se lancèrent à des milliers de kilomètres de leurs ports d'attache avec un troublant manque de préparation. Les premiers navires arrivés à Eupatoria débarquèrent - avec cependant une remarquable efficacité, ce qui fut une grande première - une armée de soldats dépourvue d'intendance, une armée sans vivres, sans armement de masse, sans équipements de survie, ceux-ci se trouvant sur des navires à voile encore loin des côtes de Crimée, navires beaucoup moins rapides que les vapeurs qui avaient amené les troupes.

Ce qui suivit par contre, ce fut le choléra qui, avant même que le premier soldat ne pose le pied sur le sol étranger, avait déjà tué. Comme nombre des guerres de l'époque, les maladies ne savaient pas être jugulées et traitées de façon efficace, la relative inefficacité de la médecine de l'époque s'ajoutant aux conditions terribles rencontrées sur place. Le choléra, le typhus, le scorbut et la dysenterie prélevèrent un très lourd tribut sur les forces engagées, d'un côté comme de l'autre. Sur les 332 jours que dura le siège de Sébastopol, principal enjeu de cette guerre, les alliés perdirent 120000 hommes, dont seulement 20000 tombèrent sous le feu ennemi, les autres ayant péri des effets conjugués des maladies, du froid et de la malnutrition.

Le conflit montra également la relative inefficacité des généraux en place, qu'ils soient russes, anglais ou français. Tous étaient figés dans des schémas anciens, périmés par l'arrivée de nouvelles armes - canons plus puissants, obus et boulets explosifs, fusils à plus grande portée (surtout côté français), navires cuirassés,... - et nombre d'ordres imprécis furent suivis de décisions inadaptées qui auraient pu hâter la fin du conflit. Gouttman montre du doigt le manque d'initiative dont firent preuve les anglais, aux effectifs déjà trois fois moindres que ceux des français - ce qui bien sûr n'a pas toujours été mis en lumière, surtout du côté britannique -, notamment lors de la bataille de l'Alma, lorsque les troupes russes du général Menchikov (40000 hommes) furent refoulées mais non écrasées comme elles auraient pu l'être, du fait de la lenteur exaspérante (dixit le général Saint-Arnaud, commandant des forces françaises) de déplacement des forces britanniques, et de leur manque de confiance.

Il y eut aussi la célèbre bataille de Balaklava, qui montra un peu plus de 2000 soldats anglais repousser avec un calme impressionnant une armée russe forte de 25000 hommes ! Ah, le flegmatique coup de fusil du 93ème Highlander contre la masse de cosaques et de hulans qui chargent, véritable mur de feu impassible suivi brillament d'une impressionante contre-offensive de cavalerie qui brisa l'ennemi pourtant en surnombre ! Les russes, désorganisés et surpris par l'étonnante résistance des britanniques, auraient pu être mis en déroute sans la mésentente volontaire à laquelle lord Cardigan et son beau-frère lord Lucan se livraient depuis déjà longtemps. Cela mènera au triste épisode de la charge de la brigade légère, qui verra lord Cardigan forcé de conduire 658 hommes montés à une mort certaine en chargeant des batteries de canons situés au fond d'une vallée flanquée de mitraille et d'artilleurs, de troupes bien supérieures en nombre. La charge sera certes héroïque, mais son élan se révéla un désastre inutile, sous l'oeil d'un général Trochu admiratif mais impuissant. Cardigan réussit cependant l'exploit de revenir vivant avec 195 cavaliers encore montés, après avoir sabré quelques artilleurs médusés au passage. Le poète Tennyson immortalisa cette charge dans un poème resté célèbre, et le film de Michael Curtiz (1936, La Charge de la Brigade Légère) en fit également une ode à la gloire britannique, même si les faits narrés dans le film n'ont vraiment rien à voir avec ce qui se passa en réalité et se voulaient bien plus comme un encouragement aux troupes anglaises face à la guerre qui se profilait avec l'Allemagne Nazie.

Côté français, le commandant en chef des forces envoyées en Crimée était à l'origine le général Saint Arnaud, homme de guerre brillant dont l'approche des opérations sur le terrain était simple : pour vaincre l'ennemi russe, il fallait s'emparer de Sébastopol, ville portuaire fortifiée qui représentait la clé de la mer Noire. Engager le conbat sur les vastes plaines russe était un pari trop risqué, l'alliance pouvant se retrouver coincée entre l'armée de secours déjà affrontée à Balaklava et les forces importantes massées dans la ville de Sébastopol. Les soldats blottis dans la ville-forteresse avaient déjà tenté une sortie lors de la bataille d'Inkermann, offensive russe mal coordonnée et repoussée par le courage des anglais et la compréhension des faits et l'anticipation du général Bousquet, qui se solda par une véritable boucherie du côté russe alors que la victoire avait été à portée de leurs efforts et de leurs baïonnettes.

Mais Saint Arnaud meurt du choléra le 29 septembre 1854, il est remplacé par Canrobert, officier certes brillant mais manquant singulièrement selon l'auteur de cette force de caractère qui lui aurait permis de rallier à sa cause les généraux alliés indécis et de résister aux pressions de l'Empereur qui voulait quant à lui un combat de masse sur les plaines, comme à la grande époque de son oncle. Canrobert allait d'ailleurs vite démissionner face à ses opinions divergeant trop de celles de son monarque, qui évalue le conflit de Paris, c'est à dire d'un endroit trop éloigné de la réalité. A la décharge de Napoléon III, qui avait envisagé un temps de mener lui-même son armée, nul n'avait prévu un conflit qui durerait plus de quelques semaines. Le général Pélissier arriva alors, homme au charisme indéniable, qui profitait de l'appui sans faille des militaires proches de l'Empereur à Paris. Il sut convaincre Napoléon III de poursuivre le siège de Sébastopol, véritable clé de la guerre. Il fut en cela aidé par les progrès apportés en termes de communication, avec le télégraphe électrique permettant des échanges plus rapides. Côté anglais, lord Raglan, lui aussi touché par le choléra, sera remplacé par le général Simpson.

Entre-temps, l'Autriche, courtisée par les deux camps, maintiendra son désir de neutralité. Son intervention, d'un côté ou de l'autre, aurait été décisive. Mais Napoléon III avait de toutes façons, contre l'avis de son ambassadeur Drouyn de Lhuis, préféré à cet allié celui que représentait le royaume de Piémont-Sardaigne. Sa volonté était de poser sur l'échiquier européen en formation la question de l'Italie, chère à l'empereur, bâtisseur plus que conquérant selon Gouttman. Celle alliance, conclue le 26 janvier 1855, renforce les troupes alliées de 15000 hommes supplémentaires, ce qui satisfaisait pleinement l'Angleterre, en manque d'effectifs depuis le début du conflit.

Alain Gouttman souligne ici la volonté de celui que Victor Hugo détestait cordialement et traitait de tyran comme un homme soucieux du respect des nationalités et de la construction d'une Europe solide et équilibrée. Ses choix ne furent pas toujours les plus avisés, certes, mais sa volonté était claire, l'auteur allant même jusqu'à faire du dernier empereur des français le précurseur des idées d'un certain Charles de Gaulle.

Les maladresses du camp franco-anglo-sarde entraînent l'alliance dans un siège long de 8 mois, durant un hiver rigoureux, qui vit les troupes décimées par les épidémies et les mauvaises conditions d'hygiène plus sûrement que par le feu ennemi. Le 14 novembre 1854, une tempête d'une violence peu commune coula nombre de navires et détruisit une quantité énorme de matériel précieux, incitant le français Urbain le Verrier à mettre au point un système d'information météorologique à l'échelle de l'Europe, ancêtre des prévisions météorologiques modernes.

La mort de Nicolas Ier le 2 mars 1855 ne ralentit en rien l'esprit belliqueux et despotique du tsarisme en la personne de son fils et successeur, Alexandre II.

Après un premier assaut désastreux - encore une fois causé par de mauvaises décisions et communications entre officiers - le fort de Malakoff, clé de voûte du système de défense de la ville, sera pris le 7 septembre 1855 par le général français Mac Mahon, qui lancera sa célèbre phrase - qui coûta au passage nombre de vies à cause de la violente contre-attaque russe - "J'y suis, j'y reste !"

Reconnaissant alors la défaite, les russes incendièrent la ville, faisant exploser forts et dépôts de munitions, coulant leurs navires, faisant de la ville un véritable cimetière, évacuant le reste de ses troupes épuisées et laissant un goût amer dans la bouche des vainqueurs. La fière ville de la Grande Catherine n'est plus qu'un vaste champ de ruines, jonché de flammes et de cadavres. Au cours des 332 jours que dura le siège de Sébastopol, les alliés avaient perdu 120000 hommes, soit autant que les russes, les troupes françaises étant celles ayant enregistré le plus de pertes, soit 95000 morts, un chiffre à l'échelle des effectifs que la France avait engagés.

La guerre ne s'était pas limitée sur ce front, l'alliance franco-anglaise ayant aussi mené campagne en mer Baltique. 20000 hommes participèrent à cette phase peu connue de la guerre de Crimée. La campagne se limita à l'attaque de forts russes placés le long de la côte finlandaise, notamment la forteresse de Bomarsund, puis celles de Sveaborg (devant Helsinki) et Kronstadt (devant St Pétersbourg). Militairement parlant, ces assauts furent assez vains, mais ils bloquèrent 30000 soldats qui auraient pu être envoyés en renforts vers la Crimée, renforts qui auraient sans doute pesé lourd dans la bataille.

Sur le plan diplomatique, Alexandre II avait accepté le 4 août 1854 lors du Congrès de Vienne 4 points essentiels : une tutelle collective européenne sur les principautés roumaines, la liberté de navigation sur le Danube (si chère à l'Autriche), la révision de la convention de 1841 sur les détroits, et l'abandon des prétentions russes à un protectorat sur les chrétiens de rite grec de l'Empire ottoman.

Le 1er février 1856, l'Autriche conclut un premier accord avec les russes, confirmant bien qu'elle se situait en dehors de l'alliance qui avait vaincu l'armée du tsar.

La victoire politique s'avéra bien être française, puisque s'ouvrit à Paris, le 26 février 1856, un congrès chargé de décider des conditions de la victoire. Napoléon III sortit grand vainqueur des débats, se montrant un habile médiateur entre les exigences outrancières des britanniques et les demandes souvent exagérées des russes. Il jongla avec aisance avec les différents ambassadeurs, prenant bien garde à accueillir les russes comme de nouveaux amis et non comme des ennemis abattus et humiliés. Le 30 mars, le Traité de Paris sera signé, reprenant les termes de l'accord de Vienne de 1854, officialisant la fin des hostilités, la reconnaissance de l'indépendance de l'Empire ottoman (grand soulagement pour les britanniques !), l'autonomie des principautés moldaves et valaques, qui devront chacune élire un gouverneur (hospodar) et choisiront finalement un seul et même gouverneur, appuyées en cela par l'empereur français. L'Autriche obtiendra par son habile jeu diplomatique la libre circulation sur les bouches du Danube. Napoléon III réussit à mettre en avant le principe de respect des nationalités en défendant les principautés roumaines et participant activement à la progressive unification de l'Italie autour du Piémont, réveillant des vélléités qui allaient pour son plus grand malheur mener immanquablement à la future défaite de Sedan.

Napoléon III sortit peut-être un peu trop grand du premier conflit dans lequel il engagea ses armées. En grand idéaliste qu'il était, il eut des visées d'une grandeur telles qu'un seul homme ne pouvait assumer, car il est notoire que l'empereur, en grande personnalité qu'il était, n'écoutait que lui et sa tendre Eugénie.

Les derniers mots de l'auteur se suffisent à eux-mêmes : "La gloire de Sébastopol fut éphémère. La honte de Sedan s'étend toujours sur l'héritage du Second Empire et sur la mémoire de Napoléon III".

Ouvrage fort intéressant et très complet, même si le rôle des grecs - prorusse, le roi Othon lança des troupes irrégulières qui harcelèrent les ottomans - et celui des alliés perses -qui menaçaient les turcs sur les frontières du Kurdistan et de la Mésopotamie -, sont plutôt éludés, la Guerre de Crimée est un ouvrage qui réhabilite le rôle que la France joua dans ce conflit et redore le blason d'un empereur qui, même s'il mena la guerre a des milliers de kilomètres de distance de la mitraille et des obus sut prendre des décisions politiques et diplomatiques qui redonnèrent à la France une place prépondérante sinon unique sur le plan des relations internationales de l'époque, ce qui ne laissa pas d'inquiéter les autres grandes puissances.

A noter pour la petite anecdote que l'ouvrage d'Alain Gouttman obtint le Grand Prix de la Fondation Napoléon.

 

Je vous laisse en morceau musical un titre qui rappelera bien des souvenirs aux cinéphiles, puisqu'il s'agit du thème de la Charge de la Brigade Légère, composé par Max Steiner, illustrant le film de Michael Curtiz. Pour ceux qui aiment le côté romanesque du film mais voudraient voir imagé le véritable récit de la bataille de Balaklava, tournez vous vers la version de Tony Richardson, avec Trevor Howard et David Hemmings, tournée en 1968, et ponctuée d'un humour so british.

 

Bonne lecture ! Et Vive l'Empereur, Vive la France !crimee l

 

Stéphane DELURE   

 

   

 

 

 

 

Commenter cet article