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Cthulhu Metal, l'Influence du Mythe - Sébastien Baert (2019)

Publié le par Stéphane DELURE

 

J'ai pris un sacré retard pour rédiger cette damnée chronique qui me tenait vraiment à cœur. Pensez-donc, un concentré de mes passions : Lovecraft et le metal, intimement fusionnés en un grimoire n'ayant rien d'un Necronomicon au rabais rédigé par des occultistes de pacotille ! La faute sans nul doute à l'auteur de ce livre maudit, livre dont j'ai fait l'acquisition le jour même de sa sortie, comme un véritable mort de faim. La faute à ces innombrables références vers lesquelles il a guidé mes recherches, dans lesquelles je me suis plongé et au sein desquelles j'ai presque failli me noyer. Abdul Alhazred ? Pensez-donc, le sieur se prénomme Sébastien Baert - probablement un pseudonyme, histoire de ne pas sonner trop nécromant et d'éviter les soupçons d'une police anti-cultistes ! -, et le bougre possède un sacré passif dans le monde de la chronique metal.

L'envie d'écrire plus long que quelques lignes le démangeait probablement. Celle de plonger ses mains dans la mélasse noire des Grands Anciens aussi, sans le moindre doute.

Lovecraft. Un nom séduisant, qui fit bien peu de bruit du vivant de l'écrivain. Un nom qui aujourd'hui a réussi l'improbable pari de répandre son aura tentaculaire sur le monde entier, pour des siècles et des siècles. Et que personne ne dise "Amen".

Tout ceci est étrangement conçu comme le soufflent les écrits du Maître de Providence. Étrange.

Car cela fait maintenant des éons que Lovecraft, tel son célèbre monstre du fond de sa crypte engloutie, inspire en rêvant la musique que vous et moi passons des heures à écouter inlassablement. Et pourtant, personne n'avait jusque là eu l'idée de rassembler, compiler, classer tous ces charmes saturés en un panthéon digne de faire mourir August Derleth de jalousie ! Donner un semblant d'ordre dans le chaos. C'est désormais chose faite avec cet ouvrage extraordinairement bien construit et abordant la chose de façon totalement décomplexée, avec une grande maîtrise de son sujet. Le nombre de références est véritablement hallucinant et témoigne d'un sacré travail de Mi-Go. M'est avis que Mr Baert a probablement fait appel à quelques Shoggoths ou à ces êtres coniques et tentaculaires venant de la Grande Race de Yith, défiant l'espace et le temps. Probablement ne le saurons nous jamais, et c'est aussi bien ainsi.

Ce qui étonne le plus avec ce livre, c'est cette capacité à entraîner le lecteur toujours plus loin, chapelle après chapelle, sans jamais le perdre ni même le lasser. Cohérent, complet, agréable de lecture, le livre s'étoffe en laissant régulièrement de nombreux artistes s'exprimer sur ce qui a motivé leur choix en adaptant Lovecraft. Le résultat de l'enquête est sans appel : l'adolescence est le moment propice où beaucoup ont basculé ; puis cette horreur cosmique et sans nom, mettant hors jeu Satan et Dieu, a attiré dans le jeu black metalleux bien sûr, death metalleux évidemment, mais également des genres auxquels on ne s'attendait pas : des hippies, du psyché, du stoner, du doom, et même des œuvres classiques ayant cherché à adapter Lovecraft de son vivant ! Erich Zann, sort de ce corps !!!

Ma passion pour l'artwork est au passage récompensée avec un portfolio livrant quelques exemples d'illustrations démontrant que peintres et graphistes ont eux aussi été contaminés.

Sébastien Baert nous offre avec ce livre fort bien documenté la possibilité de découvrir de nouveaux horizons, souvent ténébreux et fort recommandables ! Alors n'hésitez pas à vous plonger dans cette écriture qui n'est point de sang, simplement noire sur fond blanc, dessinant en filigrane des arabesques tordus desquels j'ai personnellement retenu Tyrant's Call, Anup Sastry, Spawn of Cthulhu, Cultes des Goules et Back to R'lyeh. 

Il manque peut-être cependant... ce que j'attendais, cette fantastique réflexion sur le fait que ce qui a finalement motivé tous ces artistes à jouer sur les thèmes lovecraftiens (parfois même de façon très diffuse : on s'en inspire, mais on ne sait pas pourquoi), un peu partout à travers le monde et depuis tant d'années, c'est ce monstre tentaculaire qui attend et rêve au fond de sa crypte engloutie, inspirant les cauchemars des êtres sensibles, des artistes. Peut-être Lovecraft fut-il le premier, le premier d'une légion de hérauts prêts à répandre cette irrépressible parole qui fait qu'une pensée multipliée à l'infini devient... un dieu ou quelque chose d'approchant, qui peu à peu prend forme.

Travaillant moi-même depuis longtemps sur cette thématique (l'une des raisons d'être de mon site), j'ai reconnu maints artistes, en ai découvert aussi des tas, et en rajoute un, raté de peu : en parlant de Manilla Road, Sébastien Baert a omis la parenthèse Hellwell, groupe formé par le regretté Mark Shelton avec son ami bassiste C. Hellwell, passionné de pulps et d'histoires fantastiques. Sur le premier des deux opus composés, Beyond The Boundaries of Sin (2012), se trouve la chanson Tomb of the Unnamed One, invoquant Cthuga, Dagon, et faisant référence aux Old Ones. La chanson est "courte", moins de 6 mn, mais sur l'édition fourreau, elle se décline sous forme d'une nouvelle de plusieurs pages, écrite par le bassiste lui-même : Acheronomicon, Tomb of the Unnamed One. Un véritable régal pour les cultistes ! Et la force du livre de Sébastien Baert est là : celle de donner l'envie de continuer à rassembler, compiler, voir grossir la pyramide, et prendre assez de recul pour s'apercevoir que tout ceci, ce gigantesque édifice, toute cette inspiration venant de l'oeuvre d'un seul homme qui se lançait dans ses grands textes il y a maintenant cent ans... tout cela est devenu... proprement terrifiant !

Et au passage, un grand bravo aux éditions Bragelonne qui ont permis l'édition de ce livre atypique, à l'heure où sortent tant de déclinaisons souvent anodines des œuvres de Lovecraft. 

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