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Alice Cooper, un album, une chanson - Lace And Whiskey (1977)

Publié le par Stéphane DELURE

 

Ah, 1977 ! L'heure est venue pour Alice Cooper de sortir Lace And Whiskey, l'album tant décrié, celui que les fans auront tendance à oublier, peut-être même à renier voire même à jeter à la poubelle ; l'album qui entama pour notre artiste favori sa longue traversée du désert. C'était pourtant une année qui avait bien commencé puisqu'il avait pris pour épouse Sheryl Gail Goddard (Gail, on en reparlera dans quelques années !!!), la danseuse qui avait joué sur scène, lors de la tournée Welcome to my Nightmare, le rôle de la pauvre Ethyl, ce cadavre de femme sexuellement abusé avec un délicieux second degré (rôle que leur fille Calico allait reprendre plus tard, tradition familiale oblige !).

Alors, Lace And Whiskey, un album vraiment mauvais ? Et si j'osais dire qu'il s'agissait d'un album conceptuel parfaitement cohérent et réussi, me prendriez-vous pour un fou ? Allez, je m'explique.

Comme vous le savez probablement si vous vous penchez sur un article concernant le début de la décennie la plus obscure d'Alice Cooper, 1977 est le moment pivot où l'artiste, accro pourtant depuis longtemps, n'arrive plus à faire face à ses démons, à savoir l'alcool (les drogues dures viendront plus tard). Avec une louche d'ironie, Vincent Furnier décide d'abandonner le personnage d'Alice Cooper et ses délires macabres, afin d'incarner Maurice l'Escargot (véridique !), minable détective privé et reflet ringard de ces films des années 50 qu'il affectionne, le genre à avoir une morale douteuse, un penchant pour la bouteille et les filles (le titre de l'album est donc parfait !) et ne jouant pas vraiment dans la catégorie des Mike Hammer ou Philip Marlowe. Alors on pourrait croire qu'Alice a décidé un nouveau pied de nez à ceux qui l'attendaient ailleurs, agissant en maître d'œuvre, comme pourrait le laisser penser cette photo du livret, où Alice serait en fait l'écrivain mettant en scène ce détective raté...

 ... mais de fait il n'en est rien, Vincent étant beaucoup trop imbibé pour construire quelque chose qui tienne la route, laissant les mains libres à son producteur fétiche, Bob Ezrin (qui le lâchera ensuite pour Lou Reed, Peter Gabriel ou Pink Floyd pour ne parler que des plus connus) et le guitariste ami de longue date, Dick Wagner. Lace And Whiskey est donc à proprement parler plus leur œuvre que celle d'Alice, et cela se ressent. Alice, malgré l'acool, savait encore mêler propos macabres et hits mainstream (Goes To Hell), alors qu'ici toute trace de mascara a entièrement disparu et que la maigre silhouette du chanteur schizophrène prend de nouveaux habits qui ne lui vont guère (cf. photo du livret).

Le naufrage est-il pour autant digne du Titanic ? Loin s'en faut car même au plus bas de sa forme, Alice sait ajouter un petit quelque chose digne d'intérêt. Le véritable problème est qu'il y aura ici plus de Vincent Furnier que d'Alice Cooper, et c'est probablement le plus gros défaut de cet album souvent boudé. En tant que fan absolu, j'avoue ne pas avoir écouté ce Lace And Whiskey depuis bien longtemps avant de m'y être attelé sérieusement pour aborder le marathon des chroniques de tous ses albums. Et finalement, j'y ai trouvé quelques heureuses surprises, que j'avais carrément oublié tant le placard était resté longtemps fermé et la poussière accumulée.

La production est impeccable (Ezrin tout de même !) et les musiciens sont au top de leur forme (le formidable solo à la lead guitar de Road Rats, les claviers et orchestrations d'Ezrin, la basse omniprésente de l'excellent Tony Levin (hélas moins mise en avant que celle de Dennis Dunaway en son temps). Il y a aussi cette ironie toute Cooperienne que l'on retrouve à travers les textes : le titre éponyme bien sûr, mais évidemment la ballade guimauve au titre révélateur (I Never Wrote Those Songs), et plus subtilement King Of The Silver Screen - probablement le plus mauvais titre en mode Broadway qu'enregistra Alice, avec ses effets ridicules -, qui a le mérite de s'intéresser à un Mr "tout le monde", qui rentre d'une banale journée de boulot et se prend à rêver devant son écran de TV, la chanson virant à l'excès patriotique des plus mauvaises productions d'Hollywood lorsque l'aspect martial s'installe (une mauvaise chanson donc, mais encore un beau solo de guitare).

Et puis il y a des titres vraiment réussis, comme l'impeccable It's Hot Tonight, morceau le plus rock d'un album plutôt whysky pop (l'unique morceau qui sera à nouveau joué sur scène lors de la tournée Brutal Planet, le reste sombrant à tout jamais dans les oubliettes), et il y a encore un peu de vice dans la façon de chanter d'Alice, même si les fans seront bien en peine de retrouver sur cet album la gouaille nasillarde et les hurlements de fou qui les faisaient trembler jadis. Le titre éponyme est d'un beau niveau également, avec un refrain très entraînant et un jeu vocal qui virevolte et frôle parfois l'agression, comme si l'alcool n'avait pas encore tout à fait éteint le monstre. Road Rats et Damned If You Do (du rock country sympathique) ne sont pas non plus à jeter, et ces 4 titres présents justement en début d'album laissaient finalement penser que tout cela n'était pas si grave et même plutôt bon. Et si l'on n'est pas allergique à ces ballades de plus en plus présentes dans les œuvres d'Alice depuis le succès d'Only Women Bleed, on peut savourer la pomme d'amour qu'est You And Me, qui aurait été reprise par Sinatra lui-même (attention, je l'ai lu mais n'en ai pas trouvé la trace audible ! Je suis donc preneur si quelqu'un a réellement la preuve de cette légende !).

Il y a hélas le reste, au goût plus douteux, celui d'un whisky bien frelaté, pas vraiment du 12 ans d'âge vieilli en fût de chêne ! Mais que diable vient donc faire ici la reprise d'un vieux titre des années 50, Ubangi Stomp ? Alice se prendrait-il pour le King ressuscité ? Le disco grandiloquent, chœurs à l'appui, de (No More) Love At Your Convenience, n'est pas horrible (à vrai dire, j'aime bien le verbe léger d'Alice, qui ne s'est jamais fait si doux, à l'entrée de la chanson, je le concède sans honte !), mais ce morceau est totalement indigne d'une personnalité telle qu'Alice. Le très lacrymal I Never Wrote Those Songs ne fait vraiment pas partie des ballades réussies d'Alice, et même si l'on ne peut que reconnaître que sa voix est décidément à l'aise en cet exercice, on peut aussi penser que You And Me suffisait largement sur cet album bien innocent et si peu rock (un écho de Muscle Of Love, avec moins de génie ?).

Reste le final "dantesque" My God ! Cela commence très fort, avec orgues montant en puissance. Un nouveau délire façon Going Home sur le précédent album ? Hélas, non. C'est pompeux, digne du style d'un Elton John, de Queen, mais pas du tout fait pour Alice ! La voix y est pourtant belle dans le refrain, mais le style ne convient guère au chanteur de Killer. Peut-être un reste aviné du mariage de Cooper avec la délicieuse Sheryl en cette même année, une compagne qui allait traverser avec son mari bien des épreuves, et survivre à tout, formant assurément avec Alice l'un des couples les plus solides du rock (quel plaisir de la voir encore avec son époux sur scène, jouant parfois encore le rôle de la pauvre Ethyl !). Euh... j'avoue avoir un instant pensé à cette chanson pour mon mariage, mais cela reste entre nous, hein ?

Je le dis donc haut et fort, Lace And Whiskey n'est pas si horrible que bien des fans le prétendent, même s'il faut reconnaître qu'il s'agit bien plus d'une œuvre d'Ezrin et Wagner que de Cooper lui-même. Y jeter une oreille de temps en temps est selon moi salvateur, et laisse revenir à la surface quelques surprises oubliées. Comme titre à retenir, je ne peux cette fois-ci que me tourner vers le titre le plus "célèbre", It's Hot Tonight et son semblant d'ambiance torride, même si le titre éponyme et Road Rats, ne serait-ce que pour son solo, valent largement le détour.

On se prépare pour From The Inside et sa psychothérapie ?

 

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