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Top 2021 # 4 - Alice Cooper - Detroit Stories (26 février 2021)

Publié le par Stéphane DELURE

 

Dans la taverne du Kalem Klub, on aime bien boire (bière ou whisky, c'est selon) en écoutant de la bonne musique. Un bar bien famé en somme, on l'on peut entendre de tout, comme vous pouvez le constater au travers de ce Top 2021 décidément très éclectique. Après le black sympho goth de Cradle, on passe sans transition au hard rock pur jus d'Alice Cooper, LA Légende ! L'homme qui m'a fait découvrir ce genre de musique il y a plus de 30 ans, et m'a donc ouvert la porte à toutes les paroisses, le bougre ayant d'ailleurs joué dans des styles très variés (cf. pour les amateurs mes chroniques de tous ses albums, pour le moment bloquées à Hey Stoopid, mais qui vont bientôt redémarrer).
Il y a 50 ans naissait le véritable Alice Cooper Band, son style inimitable, avec le cultissime Love It To Death, et il y a 50 ans le groupe se révélait à Detroit, LA ville du rock sans concession, aux côtés des turbulents Stooges, MC5, Bob Seger, Ted Nugent et Grand Funk Railroad, sans oublier Kiss ! 50 ans ! C'est donc avec une logique imparable que Tonton Furnier a décidé de consacrer son 28ème album à la ville du garage rock, celle à laquelle il doit son succès, ses véritables racines musicales et velléités rebelles (oublions les délires californiens et sans succès à la Zappa).
On avait bien senti cette envie de revenir aux racines avec les excellents The Eyes Of Alice Cooper (2003) et Dirty Diamonds (2005), et surtout avec l'EP Breadcrumbs (sorti en format vinyle) et contenant 4 titres (sur 7) que l'on va retrouver plus ou moins sous la même forme sur Detroit Stories (Detroit City 2020 devient Detroit City 2021 après avoir été Detroit City sur The Eyes Of Alice Cooper !). Ceci explique les 15 titres et 50 mn de l'album. Il ne faut pas y voir une volonté de remplissage car l'EP était avant tout un cadeau sorti pour les fans et tout le monde ne l’a pas eu (enfin... quand on est un vrai fan...). Les deux Hollywood Vampires (reprises et titres originaux), sonnaient également comme un hommage plus vaste aux grands du rock. Detroit Stories se veut à la fois varié et cohérent, bref c’est du rock arrosé aux parfums les plus divers, allant du punk (Go Man Go) à la Mo(tor)Town (le fabuleux $ 1000 High Heel Shoes et ses cuivres et chœurs forts de cette autre facette importante de la ville). A 73 ans, Alice Cooper n’a rien perdu de sa voix ni de son plaisir de chanter, d'interpréter. Pas de boa ni de guillotine, mais l'artiste est clairement en mode théâtral (quel putain de miracle de l’entendre comme si l’on était encore sur School’s Out avec par exemple Hail Mary). Pour l’avoir vu sur scène, prodigieux de dynamisme, même engoncé dans sa mécanique très (trop ?) carrée, je peux vous dire que ce mec est l'un des derniers dieux du rock tout court, qui continue de tourner partout dans le monde à un rythme affolant et en plus de proposer de la nouvelle musique de qualité. En voilà un qui n'a jamais joué le coup de la Tournée d'Adieu (le titre Last Man On Earth de Welcome 2 s'y prêtait pourtant) et voilà peut-être un gaillard qui finira tel Molière tant il aime son métier. Depuis l'album Trash (1989), on parle de son syndrome de Peter Pan, et je crois bien que 32 ans plus tard il en souffre toujours le bougre, pour notre plus grand plaisir !
Allez, j’avoue que j’avais un peu perdu le grand frisson justement après Dirty Diamonds. Les albums suivants manquant peut-être pour moi d'une certaine cohérence (un souhait pourtant, notamment sur Welcome 2), offrant des surprises qui ne débouchaient pas toujours sur un album de la même trempe. Je pense par exemple à Paranormal, album dont mes titres préférés restent le morceau éponyme, classique et inquiétant, et l'étonnant The Sound Of A, morceau psychédélique et génial coécrit avec Dennis Dunaway, nous laissant entre ces deux titres avec un album correct sans plus et qui ne sera, comme les précédents, guère défendu sur scène (un titre et on revient très/trop vite aux classiques).
Sur Detroit Stories, Alice balance la couleur avec l'artwork, que j'apprécie énormément : derrière les buildings de Detroit, dont l'un est en feu, se profilent les célèbres yeux au mascara, comme un Bat-signal lancé dans le ciel pour sauver la situation d'une bonne ration de rock'n'roll. Et si comme moi vous avez le coffret collector, avec masque Covid, le dvd du Paranormal Evening tourné à l'Olympia !, vous avez également la petite lampe permettant de lancer le signal au plafond !... oui, j'ai essayé la nuit sur les nuages, ça marche pas. Sur Detroit Stories, il y a du blues qui brûle la gorge avec Drunk And In Love (hello Jim Morrison !), sur lequel Alice retrouve son harmonica ; un hommage aux Beatles (le groupe qui donna envie aux 5 de Phoenix de monter un groupe) avec le très pop et gentillet Our Love Will Change The World ; un Social Debris des familles, titre au texte déprimant qui fait se retrouver le Alice Cooper Band (hormis le regretté Glen Buxton bien sûr) avant que les mêmes amis ne se balancent des insultes sur l’hilarant et punk dans l'âme I Hate You, montrant que le rock est du fun avant tout. A noter sur les premières secondes de Social Debris les notes de basse de Dunaway en court écho du fameux Elected ! On peut toujours voter pour Alice !
Une surprise encore avec la reprise du dandy New-Yorkais Lou Reed, Rock’n’Roll, titre qui connut cependant son véritable succès à Detroit, la ville sale et sympathique qui sait adopter du moment que c’est rock ! Et quel solo du vénérable Steve Hunter, déjà de la partie sur l’original et pote de Cooper sur nombre d’albums, qui fait ici de l’ombre à Joe Bonnamassa, excusez du peu.
Wayne Kramer (MC5) est de la guitare sur un paquet de morceaux, et il n’a rien perdu de sa niaque, comme le prouvent Go Man Go et Sister Ann. Bob Seger, la star locale, 100% Detroit, terminera en beauté l’album avec son East Side Story (et bon sang, on croirait entendre ici la batterie de Neal Smith !).
N’oublions pas que Bob Ezrin est de nouveau aux manettes, et ça se sent, même si le gaillard se veut sobre. Mais on sent des relents de Goes To Hell sur l'exubérant $ 1000 High Heel Shoes. Il est l’homme qui a le mieux su mettre Alice en valeur, le plongeant dans la lumière des cabarets ou dans des recoins plus sombres, et Hanging On By A Thread s’avère à ce titre un morceau glauque, doté d’un chant hargneux, probablement le titre le plus moderne de l’album, qui aurait pu aisément trouver sa place sur Dragontown. A noter que ce morceau se termine sur un monologue d’Alice donnant les coordonnées du centre anti-suicide de Detroit (fléau contre lequel l’homme est très sensible, rappelez-vous Hey Stoopid).
Et que serait un album d’Alice sans la basse ? Elle brille ici de bout en bout, et peu importe qui en joue. Beaucoup se sont d'ailleurs plaints de ne pas voir autour d’Alice son line-up habituel (hormis Tommy Henricksen à la guitare), mais c’est tout simplement parce que notre Père Fouettard préféré a fait le choix judicieux de ne faire appel qu’à des musiciens de Detroit (29 intervenants... dont femme et fille aux chœurs !), autre démarche intéressante.
Detroit Stories est pour moi l'album que je n'attendais plus (même si Breadcrumbs m'avait mis la puce à l'oreille), le meilleur depuis Dirty Diamonds. On peut aussi sans mentir dire qu'il est un album somme, l'une de ses plus belles réussites, phénomène incroyable après 50 ans de carrière. L'album n'est certes pas parfait, mais on s'en fiche, c'est du rock joué avec passion, en hommage à la scène qui l'a révélé et produit l'un des plus beaux phénomènes de la scène rock à l'échelle mondiale. J'enrage juste quand je vois le classement atteint par l'album dans certains pays : 1er en Allemagne, 4ème au Royaume-Uni, 3ème en Australie, et... 37ème en France. Bon, ok, l'album s'est classé 47ème aux Etats-Unis, mais on parle du Billboard... 

Note : 10/10 car Alice vaut de l'or au Kalem Klub et les imperfections y ont leur place au premier plan quand elles sont si savoureuses !

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